Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a annoncé jeudi une aide de 45 millions d'euros à la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, touchée de plein fouet par les exactions du groupe jihadiste Boko Haram.
« Nous sommes à vos côtés dans la lutte contre le terrorisme. Cet engagement est aussi un engagement financier », a déclaré Jean-Yves Le Drian à l’issue d’une rencontre avec des responsables politiques et sécuritaires à Maroua, capitale de la région de l’Extrême-Nord. L’aide est destinée à améliorer la voirie, la distribution d’eau et le système d’assainissement de Maroua, située dans un triangle avec trois pays frontaliers (Nigeria, Tchad et Niger). La France finance aussi des projets dans la formation professionnelle, la santé, l’éducation et l’agriculture dans cette région très enclavée et meurtrie par une série d’attaques jihadistes depuis 2014.
Boko Haram, né au Nigeria, a étendu ses attaques au carrefour du Niger, du Tchad et du Cameroun. Bien qu’affaibli, il reste actif dans l’extrême-nord du Cameroun, où vivent quatre millions de personnes. Les 13 000 attaques au Cameroun ont fait « plusieurs milliers » de morts depuis 2014 et ont conduit à des mouvements de 250 000 déplacés internes ainsi qu’à un afflux de 60 000 réfugiés nigérians, a expliqué le gouverneur de la région, Midjiyawa Bakary.
Chute du tourisme
L’économie locale s’est effondrée, plombée par la chute des échanges transfrontaliers et du tourisme, qui était très développé dans la région. Boko Haram s’est scindé en deux, avec l’émergence d’une branche qui a fait allégeance au groupe Etat islamique (EI), l’ISWAP (Groupe de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest). La faction historique, dirigée par Abubakar Shekau, compte environ 2 000 jihadistes, dont 30% de combattants aguerris et 70% de troupes auxiliaires, retranchés dans la forêt de la Sambisa au Nigeria et qui attaquent surtout les civils, a indiqué le général commandant la région militaire de l’Extrême-Nord. L’ISWAP, qui compte environ 3 000 hommes regroupés au niveau du lac Tchad, renforce ses capacités depuis un an et cherche à s’attirer le soutien des populations en évitant les exactions contre les civils et en visant surtout l’armée, a-t-il ajouté. Une troisième faction encore marginale, née d’une dissidence interne à l’ISWAP, émerge à la frontière nigéro-nigériane, a-t-il expliqué.
Ces groupes effectuent encore des incursions au Cameroun à la recherche de « réserves alimentaires et de valeurs marchandes comme femmes et enfants » qui sont échangés contre des rançons, enrôlés de force ou convoitées comme épouses. Les pays visés (Nigeria, Cameroun, Niger, Tchad et Bénin) ont mis en place une Force mixte multinationale (FMM), qui opère avec du renseignement américain, britannique et français, pour lutter contre ces groupes jihadistes.
Jean-Yves Le Drian a aussi rencontré des rescapés de Boko Haram et des responsables d’ONG qui aident d’anciens captifs du groupe, femmes et enfants, souvent stigmatisés par leur communauté, à se réintégrer et apportent une aide aux réfugiés et déplacés.