Après avoir perdu son poste de directeur de cabinet du président gabonais et avoir vu plusieurs de ses proches arrêtés dans le cadre d’une opération anticorruption, Brice Laccruche Alihanga a été écarté du gouvernement lundi.
Un mois plus tôt, M. Laccruche était considéré comme l’homme fort de la politique gabonaise. Directeur de cabinet du président Ali Bongo Ondimba depuis deux ans, il avait vu son rôle augmenter considérablement depuis octobre 2018, quand un accident vasculaire cérébral (AVC) avait affaibli le président.
L’opposition, mais aussi certaines voix au sein de la majorité présidentielle, avaient alors critiqué l’ascension fulgurante de M. Laccruche, ainsi que le placement de ses proches à des postes clefs.
Lundi soir, dans un message diffusé sur les réseaux sociaux, le Premier ministre, Julien Nkoghe Bekale, a souligné l’importance de s’entourer d’“hommes et de femmes alliant compétence, expérience, intégrité et loyauté”, avant de présenter un gouvernement, dont M. Laccruche, comme plusieurs de ses proches, sont désormais absents.
Outre M. Laccruche, Tony Ondo Mba perd son poste de ministre de l’Energie.
Selon le journal progouvernemental L’Union, il avait été employé par la Dupont Consulting Company, une entreprise privée administrée par Gregory Laccruche, frère de l’ancien directeur de cabinet, et visée par l’opération anticorruption menée au Gabon ces dernières semaines.
Anticorruption ou chasse aux sorcières
L’opération, lancée à la mi-novembre, a conduit à l’arrestation d’autres personnalités, notamment Patrichi Tanasa, administrateur-directeur général de l’entreprise publique Gabon Oil Company (GOC), également proche de M. Laccruche et incarcéré depuis jeudi.
Selon L’Union, en deux ans, 85 milliards de francs CFA (129 millions d’euros) se seraient “volatilisés”.
Ike Ngouoni, porte-parole de la présidence considéré comme le bras droit de M. Laccruche, a été placé en détention provisoire depuis vendredi pour des accusations sans rapport avec l’affaire liant GOC à Dupont Consulting Company, affirme son avocate, Carole Moussavou.
Selon elle, dans le cas de son client, “on parle de complicité de détournement de fonds, mais qui est l’auteur principal ?”. “Selon eux, ce serait Brice Laccruche, nous ne sommes aujourd’hui qu’au début de l’instruction”, avait-elle avancé dimanche.
Le porte-parole de la présidence n’a pas encore été remplacé. Mais depuis le limogeage de M. Laccruche, le chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba a procédé à de nombreux changements. Il a tenu fin novembre un conseil extraordinaire de la magistrature, une première en dix ans au pouvoir, où dans la foulée, le procureur de la République, Olivier N’Zahou, a été écarté.
Plusieurs responsables des renseignements et de l’appareil sécuritaire, proches de M. Laccruche, ont également été remplacés.
Plusieurs avocats des personnes interpellées ont dénoncé une “vendetta politique”, poussant le Premier ministre à affirmer lundi 25 novembre sur Twitter que les arrestations en cours n‘étaient “ni une chasse aux sorcières, ni un règlement de comptes”.
Le 7 novembre, avant la première arrestation, le directeur de cabinet avait été nommé simple ministre, “chargé du suivi de la stratégie des investissements humains et des objectifs de développement durable”, poste qu’il aura conservé moins d’un mois.