ANALYSE. Le Brexit aura bien lieu. En raflant 328 sièges sur 650, les torys de BoJo s'assurent une nette victoire. Un lourd revers pour Corbyn.
Sous la houlette du Premier ministre, Boris Johnson, les conservateurs ont remporté la majorité absolue à la Chambre des communes à l'issue des élections législatives du jeudi 12 décembre. Selon des projections faites à partir de résultats encore provisoires, les torys devraient disposer de 328 sièges, soit une majorité de 34. Le Labour obtiendrait 199 sièges, les indépendantistes écossais du SNP 52 sièges et les libéraux-démocrates 13. Cette consultation marque un succès personnel considérable pour le chef du gouvernement qui a mené toute sa campagne sur le slogan « Get Brexit done » (réalisons le Brexit).
À 23 h 21, même le flegme légendaire du présentateur de la BBC Huw Edwards a craqué lorsque le premier résultat du scrutin est tombé : les conservateurs se sont emparés de Blythe Valley (nord-est de l'Angleterre), un bastion travailliste depuis 1950. Le vote de l'ancienne région minière symbolise l'effondrement du « mur rouge », les circonscriptions travaillistes du Nord, des Midlands et du pays de Galles qui avaient plébiscité le départ de l'Union européenne lors du référendum du 23 juin 2016.
BoJo fait le job
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En promettant de réaliser le Brexit au 31 janvier, le chef de la droite a laminé l'opposition Labour dans son propre hinterland. Confortablement réélu dans sa circonscription d'Uxbridge (ouest de Londres), le Premier ministre a salué cette performance inédite depuis 2015 dans un pays où le clivage traditionnel gauche-droite a été remplacé par la cassure entre brexiteurs et partisans du maintien dans l'UE.
La consultation a marqué une refondation de la politique britannique. Dans le passé, les torys étaient associés au Sud prospère, aux services et à l'ancrage à l'UE, comme l'atteste la réussite électorale des Premiers ministres John Major et David Cameron. Après cette élection, les conservateurs sont désormais un parti nordiste, antieuropéen et ouvriériste. Même Margaret Thatcher, au pouvoir entre 1979 et 1997, n'avait jamais pu accomplir cette gageure !
Un quatrième revers de suite pour la gauche
Le Labour a subi sa pire défaite depuis le fiasco de Michael Foot en 1983. La principale force d'opposition a payé le prix de ses hésitations sur le Brexit, de la controverse sur l'antisémitisme et surtout d'un programme économique radical impossible à financer. En outre, le public a rejeté le chef de la gauche, Jeremy Corbyn, le leader de l'opposition le plus impopulaire depuis 1945. Si ses jours sont comptés, les « corbynistas » tiennent le parti fermement en main et refuseront tout recentrage. La gauche enregistre sa quatrième défaite électorale d'affilée depuis la dernière victoire de Tony Blair, en 2005.
Les libéraux-démocrates (centristes) proeuropéens ont souffert de l'erreur de leur cheffe, Jo Swinson, battue en Écosse, d'abandonner le largage des amarres sans accorder un deuxième référendum.
Seule ombre au tableau pour Boris Johnson, la victoire retentissante des indépendantistes écossais du Scottish National Party qui a remis l'avenir de l'Écosse à l'ordre du jour. Or, Boris Johnson a exclu toute nouvelle consultation, refus qui devrait ouvrir une crise entre Édimbourg et Londres. Les torys ont également été sanctionnés à Londres et dans plusieurs villes universitaires hostiles au Brexit.
Brexit : phase finale
À la tête d'une confortable majorité, avec un gouvernement uni et l'éviction des proeuropéens modérés, Johnson a désormais les mains libres pour faire adopter haut la main son plan de retrait négocié avec Bruxelles (EU Withdrawal Bill). Le Royaume-Uni sortira de l'Union européenne le 31 janvier 2020. La période de transition se terminera le 31 décembre 2020. Un accord commercial minimum devrait être négocié entre Londres et Bruxelles visant à botter en touche les volets les plus ardus à négocier, comme les tarifs douaniers ou les normes sanitaires.
Libre des contraintes électorales pendant cinq ans, M. Johnson devrait donner la priorité aux relations commerciales avec l'UE au lieu de se concentrer sur le « Global Britain » (la Grande-Bretagne planétaire) tourné vers les États-Unis et l'Asie. En effet, l'hôte du 10 Downing Street n'a plus de comptes à rendre aux brexiteurs purs et durs désormais marginalisés.
La percée de Johnson dans la classe ouvrière et la petite classe moyenne qui votaient travailliste devrait le contraindre à abandonner sa vulgate libérale. Ses nouveaux électeurs exigent des investissements massifs dans les services publics, en particulier dans le service national de santé, l'éducation et la police. Parallèlement, le « One nation » tory attaché à la société multiculturelle et à l'immigration des « talents » sera obligé de s'aligner sur ces nouveaux supporteurs de l'Angleterre profonde en mettant fin à la libre circulation des ressortissants de l'UE via un permis à points.