C'est en présence du président Issoufou qu'a eu lieu à Niamey la cérémonie solennelle de levée des corps accompagnée de prières dans les mosquées. Par Le Point Afrique (avec AFP)
« J'ai décidé de venir pour témoigner de la reconnaissance de la patrie inconsolable mais nullement vaincue à ces hommes […], nos héros, nos martyrs. » À la base aérienne 101 de Niamey, devant les sacs mortuaires recouverts du drapeau du Niger, en présence des familles des victimes, le président Mahamadou Issoufou, très ému, a illustré toute la douleur du peuple nigérien et de ses pays amis face aux conséquences de l'attaque d'Inates qui a coûté la vie à pas moins de 71 militaires nigériens. « Votre mort est glorieuse […]. Vous avez consenti le sacrifice de vos vies pour protéger le Niger de la barbarie de ceux qui tels des vampires n'aspirent qu'à s'abreuver de sang, de ceux qui détruisent non seulement des vies mais notre religion », a souligné le président, qui a ajouté que « jamais l'islam n'a connu d'arme de destruction aussi massive et aussi redoutable que le terrorisme. L'islam se détruit de l'intérieur au nom de l'islam ».
Alors que les opinions publiques des pays du Sahel contestent depuis plusieurs mois la présence militaire française dans la région, Mahamadou Issoufou a promis « de renforcer encore plus nos alliances et la coordination de nos forces pour lutter ensemble contre les ennemis de la liberté, contre l'ignorance et l'obscurantisme ». Le chef de l'État a décoré de la Croix de la vaillance chacun des soldats tombés au champ d'honneur. Leur dernière demeure : le « Carré des Martyrs », sur la base.
Solidarité entre douleurs et prières
Sous un hangar, sur les lieux de la cérémonie funèbre, environ 200 personnes, des épouses, des enfants et des proches, étaient assises, les yeux rougis. Durant la cérémonie, une femme a éclaté en sanglots. « C'est mon mari qui est mort, je n'ai plus envie de vivre », a confié une autre femme à un journaliste l'AFP. Les enfants du commandant du camp d'Inates, le lieutenant-colonel Hassane Inoutab, qui fait partie des victimes, pleuraient à chaudes larmes. Le président les a consolés personnellement. Les fidèles ont afflué dans les mosquées à l'occasion de la prière hebdomadaire. « En plus de la prière habituelle de vendredi, nous avons fait une prière supplémentaire pour le repos de l'âme des soldats. Il y avait un peu plus de monde que d'habitude : deux soldats du quartier figurent parmi les morts », a affirmé Moumouni Harouna, un habitant du quartier Lazaret de Niamey, en bonnet et djellaba blancs. « Le frère d'un des soldats morts nous racontait généralement des blagues après la prière… Aujourd'hui il était très silencieux. Il est profondément affecté », a-t-il ajouté. « Après et avant la prière, les gens étaient moins bruyants que d'habitude. Chaque famille nigérienne a perdu un proche dans l'attaque », a assuré Salissou Abdou, un tailleur de Bandabari, près de la Grande mosquée de la capitale. Certaines institutions ou entreprises ont suspendu le travail à 10 heures pour des prières collectives. « Nous avons fermé les guichets pour prier dans le hall et des clients se sont même joints à nous », a indiqué Issa Ousmane, un employé bancaire. Le gouvernement a annulé toutes les festivités du 61e anniversaire de la république du Niger, prévues le 18 décembre à Tillabéri, dans l'ouest du pays, où la localité d'Inates est située. La plupart des médias publics et privés ont diffusé des chants religieux et des prêches musulmans appelant « à la tolérance et à la paix ».
Ce qui s'est passé à Inates
Mardi, une attaque de grande ampleur contre le camp militaire d'Inates dans l'Ouest, tout proche de la frontière malienne, a fait 71 morts et des disparus. Elle a été revendiquée par l'État islamique et est la plus meurtrière depuis le regain des attaques djihadistes en 2015 au Niger, pays pauvre mais disposant d'importantes ressources en uranium. Tout le Sahel – en particulier le Mali, le Niger et le Burkina – est désormais visé par les assauts de plus en plus audacieux de groupes islamistes, en dépit du renforcement des armées locales et de la présence de 4 500 militaires français de la force antiterroriste Barkhane. Le Mali a été frappé dernièrement par une série d'assauts sanglants : plus de 140 soldats ont été tués cet automne, provoquant un véritable traumatisme dans ce pays. Le Burkina avait perdu 24 militaires en août, dans un assaut contre la base de Koutougou, également près de la frontière malienne. Après des attaques de guérilla du type « hit and run » (on frappe et on s'enfuit), les groupes djihadistes n'hésitent plus à attaquer de front des postes militaires. L'assaut contre le camp d'Inates a été mené par « plusieurs centaines » de combattants « lourdement armés », selon le ministère de la Défense nigérien, qui a évoqué des combats d'une « rare violence ».