Pour trouver la tombe de Ruben Um Nyobè, leader indépendantiste camerounais, assassiné par l’armée française deux ans avant l’indépendance de son pays en 1960, il faut se faufiler entre les mauvaises herbes du cimetière protestant d’Eseka, près de sa ville natale.
Dans cette ville du centre du Cameroun, à 121 kilomètres de Yaoundé, sa famille et des militants de son mouvement, l’Union des populations du Cameroun (UPC), cherchent à faire vivre la mémoire du leader charismatique tué à 45 ans.
Son nom n’a pas la même renommée que d’autres figures du panthéon panafricain, comme le burkinabé Thomas Sankara. Mais, le 13 septembre 1958, quand Ruben Um Nyobè est tué par l’armée coloniale. “Son corps avait été traîné et exposé pour que tout le monde (découvre la dépouille de) celui qu’on croyait immortel”, raconte Louis Marie Mang, militant de l’UPC à Eseka.
“Pour empêcher que les rites traditionnels soient faits, il avait été ensuite mis dans un bloc de ciment et enterré, (sans) cercueil”, précise-t-il.
A l‘époque, celui qu’on surnomme “Mpodol”, ou celui qui porte la parole en langue bassa, est le dirigeant de l’UPC, mouvement indépendantiste créé en 1948.
Apôtre de la non-violence, Mpodol tenait à négocier. Devant la tribune des Nations unies, il prononce un discours historique le 17 décembre 1952 dans lequel il demande “la fixation d’un délai pour l’octroi de l’indépendance au peuple camerounais”.
Mais l’administration coloniale qualifie l’UPC de parti “communiste” et opte pour la répression dès 1955, forçant Ruben Um Nyobè et ses partisans à rentrer dans la clandestinité.
Sa mort ne met pas un terme aux affrontements entre indépendantistes et armée coloniale. Après la proclamation de l’indépendance le 1er janvier 1960, les combats continuent entre l’UPC et les forces du président Ahmadou Ahidjo (1960-1982), qu’ils accusent d’avoir été mis en place par la France.
Le président, quant à lui, avait interdit toute mention de l’UPC ou de Ruben Um Nyobè.
Mais loin d’une image de combattant maquisard, Mpodol est resté dans la mémoire des siens comme un négociateur. A l’entrée de la ville d’Eséka, une statue le représente prêt à interpeller les Nations unies, en costume et avec une mallette à la main.
Il s’agit de l’une des rares œuvres d’art publiques réalisées pour lui rendre hommage. Après son assassinat, tout avait été fait “pour effacer la mémoire” de Ruben Um Nyobè, selon M. Mang. Pour lui, le pionnier de l’indépendance mérite une statue à Yaoundé: “c’est une reconnaissance nationale qu’il lui faut”.