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Liberia: Quand la pauvreté attend la reprise de George Weah
Deux ans après son élection, George Weah est bien loin d'avoir satisfait la demande sociale qui l'a propulsé à l'Executive Mansion. Et la rue le lui fait savoir.

Les Libériens iront-ils manifester dans les rues de Monrovia ? Le rendez-vous a en tout cas été fixé au 6 janvier prochain par le chef du Conseil des patriotes (COP), Henry Costa, lors d'une conférence de presse. Initialement prévue le 30 décembre, l'opposition a finalement repoussé l'échéance après une médiation de dernière minute de l'ONU et de la Cedeao. Les « dizaines de milliers » de personnes attendues par l'opposant devront donc attendre quelques jours de plus avant d'exprimer leurs « revendications de la manière la plus pacifique qui soit ». Le gouvernement, de son côté, ne l'entend pas de cette oreille. Le ministère de la Justice a en effet fait savoir samedi que d'ici au 30 janvier, « il n'y aura pas de rassemblement pacifique, de [mouvement] de protestation, de contre-protestation ou de manifestation », a-t-il fait savoir dans un communiqué consulté par l'AFP. Une décision prise avec soulagement par l'ONU et la Cedeao, qui défendent, elles, « un dialogue sincère entre le pouvoir et l'opposition » afin « d'éliminer le recours excessif aux protestations et manifestations ».

Même si elle a consenti à un report, l'opposition entend bien, coûte que coûte, faire passer son message. « Nous avons attendu pendant des mois, sans obtenir de réponse. Nous avons décidé de revenir pour envoyer un message qui, cette fois, ne pourra pas être ignoré », a déclaré Henry Costa, par ailleurs animateur de radio aux États-Unis, d'où il est revenu il y a quelques semaines. Ce qu'il reproche au président ? Ne pas avoir apporté de réponses satisfaisantes contre la pauvreté, depuis la dernière grande manifestation organisée par le collectif le 7 juin. Ce jour-là, des milliers de Libériens étaient descendus dans les rues pour dénoncer leurs conditions de vie, soutenus par des dizaines d'associations de la société civile et l'opposition.

Une attente sociale forte…

Deux ans après son accession à la tête du pays, l'état de grâce est bel et bien terminé pour George Weah. Élu le 22 janvier 2018 avec 61,5 % des voix à la suite d'Ellen Johnson Sirleaf, l'ancien footballeur avait suscité un immense espoir. Dans ce pays où 50,9 % de la population vit sous le seul de pauvreté, le candidat avait axé toute sa campagne sur l'éradication de la pauvreté et de la corruption. Deux fléaux qui plombent le Liberia dont l'espérance de vie ne dépasse pas 59 ans. En octobre 2018, il a essayé de concrétiser ses promesses en lançant le Pro-Poor Agenda for Prosperity and Development (PAPD). Objectif : remédier au manque d'infrastructure et promouvoir l'accès aux services publics de base.

En juin dernier, face au succès de la manifestation du 7, l'ancienne star du PSG et du Milan AC avait tenté de défendre ses réalisations. « Nous ne méritons pas d'être punis pour avoir construit des routes pour des localités longtemps oubliées, avoir payé les frais d'examen de ceux qui ne peuvent se les permettre ou proclamer la gratuité dans les écoles publiques », avait-il notamment affirmé. La mise en place d'un comité chargé de vérifier la conformité avec la loi de tous les contrats de concession accordés aux entreprises sous le mandat du gouvernement précédent avait également été mise en avant.

… qui se heurte aux conséquences de la mauvaise gouvernance passée

Mais le Liberia, et en premier ses habitants, paye encore pour une mauvaise gestion économique des autorités entamée il y a plusieurs années et aggravée par la récession post-Ebola. Des opérations monétaires hasardeuses conduites par la Banque centrale du Liberia (CBL) sous les administrations Sirleaf puis Weah ont eu pour effet d'aggraver une économie déjà mal en point. Cinq anciens responsables de cette institution, dont un fils de l'ex-présidente, ont d'ailleurs été inculpés en mars dernier pour « sabotage économique ». La dépréciation du dollar libérien (LRD) par rapport au dollar américain, à 27 % fin juin 2018, et le récent scandale des 16 milliards LRD disparus – en provenance de Suède, ils ne seraient jamais arrivés dans les coffres de la Banque centrale – n'ont pas amélioré le climat des affaires sur lequel le gouvernement compte pourtant pour attirer les investisseurs. Dans le classement Doing Business 2019, le Liberia pointe au 174e rang sur 190 pays. Édifiant.

Le risque de surendettement, soulevé par la Banque africaine de développement (BAD) dans ses « Perspectives économiques au Liberia », la « pénurie de devises étrangères » et la dépendance du pays face aux « importations de denrées alimentaires et de carburant » sont autant de facteurs qui rendent le redressement économique du Liberia incertain. Le FMI, lors de sa dernière visite dans le pays en mars, l'a affirmé : « la stabilité macroéconomique doit être la priorité à court terme ». Et en 2019, les recommandations n'ont pas eu les résultats escomptés. L'institution a donc largement abaissé ses prévisions de croissance, de 4,7 % auparavant à 0,4 % pour l'année écoulée.

Des raisons d'espérer

Si la reprise est difficile pour le Liberia, qui a connu deux guerres civiles successives – de 1990 à 1997 et de 1999 à 2003 –, le pays, indépendant depuis 1847, peut tout de même s'appuyer sur de solides atouts. Ses nombreuses ressources naturelles (si le pays prend garde aux risques de dépendance qu'elles peuvent engendrer) peuvent en effet « jouer un rôle moteur pour la croissance », assure la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface). Et en particulier l'or et les diamants. Les mesures prises par le gouvernement concernant le train de vie des autorités sont aussi de bon augure.

George Weah a ainsi annoncé vouloir réduire les dépenses notamment en plafonnant les salaires de hauts responsables de la fonction publique. Un an après son élection, il a déclaré vouloir réduire son propre salaire de 25 %. Des décisions vues d'un très bon œil à l'intérieur comme à l'extérieur du pays et qui lui valent le soutien financier bienvenu de la part de la communauté internationale. La Banque mondiale a, par exemple, validé un nouveau partenariat pour la période 2019-2024, dont les nouvelles aides seraient, entre autres, consacrées à la construction d'infrastructures et la réhabilitation des routes.

Pour la BAD, malgré quelques réserves, « les perspectives économiques sont positives ». Le PIB réel sera soutenu par « une croissance modeste de l'agriculture, de la pêche et des services, explique l'organisation panafricaine. L'inflation devrait encore diminuer pour s'établir à 10,5 % en 2019 et à 9,5 % en 2020, en raison d'un taux de change stable, de politiques monétaires et budgétaires prudentes et d'une augmentation modérée de la production alimentaire nationale ». De bons points sur lesquels pourra compter George Weah pour défendre son bilan.

Source: Le Point