Le chef de guerre d’origine rwandaise risque jusqu’à trente ans de prison. La sentence ne pourrait être rendue que dans les prochains mois.
Dix-huit fois coupables de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Bosco Ntaganda a écouté sans ciller le verdict prononcé lundi 8 juillet par les juges de la Cour pénale internationale (CPI). Ancien commandant en second de la branche militaire de l’Union des patriotes congolais (UPC), l’une des nombreuses milices actives dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et 2003, le milicien d’origine rwandaise a été reconnu coupable de meurtres, tentatives de meurtre, viols, esclavage sexuel, attaques contre des civils, transfert forcé de population, pillage, enrôlement d’enfants de moins de 15 ans et attaques contre des biens protégés. Une longue liste de crimes lue à l’audience par le juge président, Robert Fremr, sous le regard grave du condamné.
Pour les juges, la conduite de la milice « était le résultat attendu d’une stratégie préconçue visant la population civile ». Ouvert en septembre 2015, le procès s’est déroulé, pour l’essentiel, à huis clos, mais soixante et onze témoins ont comparu à La Haye : d’anciens membres de la milice repentis, des experts et des survivants des différents massacres dont celui intervenu dans la ville de Kobu. Le procureur a montré à la Cour les images violentes de corps de femmes, d’hommes, d’enfants et même de bébés, retrouvés dans une bananeraie, certains nus, d’autres les mains liées ou encore défigurés par les attaquants. Quarante-neuf personnes avaient été tuées, mais une femme, laissée pour morte, est venue déposer devant les juges lors d’une audience à huis clos.
Milicien dès l’âge de 17 ans Les juges ont aussi largement évoqué la prise de Mongbwalu en novembre 2002, décrite par les témoins comme « la ville des chercheurs d’or ». Lors de « l’opération de ratissage », racontée lors des auditions, les habitants étaient enlevés, intimidés, tués, leurs biens pillés par les soldats, des matelas jusqu’aux toits des maisons. Selon de nombreux rapports, des Nations unies et de l’ONG Global Witness, Bosco Ntaganda s’était personnellement enrichi en pillant aussi les sous-sols de cette richissime région de l’Est congolais, site de mines d’or, de coltan, de diamant.
Certains faits évoqués par le procureur, qui concernent des crimes commis dans plusieurs villages de la région, n’ont pas été retenus par les juges, faute de preuves suffisantes. Les juges n’ont fait qu’effleurer les responsabilités des Etats de la région dans les guerres de l’Est congolais, estimant que le rôle de l’Ouganda puis du Rwanda dans le soutien à cette milice ne permettait pas de qualifier le conflit d’international.
A 45 ans, le « Terminator », ainsi surnommé pour la violence de ses faits de guerre, compte une longue carrière de milicien, débutée lorsqu’il avait rejoint la rébellion de l’Armée patriotique rwandaise à l’âge de 17 ans. Il n’a ensuite jamais cessé de faire la guerre, créant ou émargeant au sein de différentes milices qui sillonnent l’Est congolais. Mais les accusations de la Cour ne portaient que sur les crimes de 2002 et 2003 et font notamment l’impasse sur ses responsabilités à la tête du M-23 (Mouvement du 23 mars), une rébellion soutenue par le Rwanda dans les provinces du Kivu, à l’est de la RDC.
2 129 victimes représentées Malgré les accusations de la CPI, le milicien y coulait des jours tranquilles. Mais les protestations de l’ONU, qui avait dénoncé la responsabilité de Kigali dans l’existence de la milice, lui vaudront d’être finalement lâché par son parrain rwandais. En mars 2013, quittant le maquis, il s’était livré à l’ambassade des Etats-Unis à Kigali, avant d’être envoyé à La Haye. De l’avis d’experts et de natifs de la région, Bosco Ntaganda serait venu en soldat à la CPI.
La sentence ne sera rendue que dans les prochains mois, mais Bosco Ntaganda risque jusqu’à trente ans de prison. De leur côté, ses avocats ont trente jours pour décider de faire ou non appel de ce verdict. Il ouvre la voie à de futures demandes de réparations. La condamnation permet désormais aux 2 129 victimes, qui étaient représentées par des avocats dans ce procès, d’enclencher la procédure de demande en réparation. Jusqu’ici, la Cour n’a pas brillé par son efficacité sur cette question. Les victimes de Thomas Lubanga, l’ancien chef de l’Union des patriotes congolais reconnu coupable et condamné à quatorze ans de prison en 2012, n’ont toujours pas vu la couleur de ces réparations.