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Ces maladies qui risquent d’exploser d’ici 2050
Alzheimer, ebola, candida auris… Nous le voyons déjà, certaines maladies sont en train d’émerger, et d’autres font de plus en plus de dégâts. A l’origine de cette menace, on trouve plusieurs facteurs, comme le réchauffement climatique, l’antibiorésistance ou la malbouffe. Doit-on craindre pour la santé mondiale ? On fait le point avec le Pr. Roger Salamon, épidémiologiste.

Le réchauffement climatique, la montée de l’antibiorésistance, l’alimentation moderne, le vieillissement de la population… tous ces facteurs ont un impact considérable sur la santé mondiale et pourraient favoriser l’essor de certaines maladies, potentiellement graves.

Nous avons interrogé le Pr. Roger Salamon, épidémiologiste et professeur de santé publique à l’université de Bordeaux, pour tenter d’en savoir plus. Ce dernier a été président du Haut conseil de la santé publique de 2006 à 2015, et a fondé l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (ISPED). Selon lui, vont s’opposer : une évolution spontanée et naturelle des pathologies ; un progrès thérapeutique vraisemblable.

De nombreux facteurs rentrent en ligne de compte pour expliquer une évolution défavorable de la santé des populations d’ici 2050. On peut en retenir quatre principaux :

La résistance aux antibiotiques, L’évolution climatique, Le vieillissement de la population, Les risques environnementaux.

Tuberculose, pneumonie... elles vont à nouveau tuer

700 000 personnes meurent chaque année d’une maladie antibiorésistante. D’ici les trente prochaines années, ce nombre pourrait s’élever à 10 millions par an. Telles sont les conclusions du Groupe spécial de coordination interinstitutions sur la résistance aux antimicrobiens, qui a rendu son rapport au Secrétaire Général des Nations Unies en avril 2019.

Pour le professeur, les superbactéries devraient effectivement nous préoccuper. “On constate de plus en plus de résistance aux antibiotiques et c’est inquiétant, car ces bactéries sont très dangereuses. C’est un problème majeur, malheureusement un peu mésestimé”.

Certaines de ces maladies sont assez classiques, comme la tuberculose (maladie réémergente) ou la pneumonie. “Ce sont des pathologies qui, avant, étaient soignées, mais désormais, ne répondent plus aux traitements. Comme aucun antibiotique ne peut plus les guérir, elles conduisent directement à la mort”.

Dans le milieu hospitalier, les germes multirésistants sont particulièrement présents, et peuvent poser des problèmes thérapeutiques, en contaminant des patients déjà affaiblis. C’est le cas des staphylocoques ou de candida auris, pour ne citer qu’eux. Certains germes se rencontrent aussi hors des hôpitaux, comme les shigelles, les salmonelles ou encore les gonocoques. Ces derniers sont responsables de la gonococcie, une infection sexuellement transmissible.

L’expert ajoute que les pathologies antibiorésistantes sont très contagieuses, ce qui rend l’absence de traitement particulièrement alarmant. Un problème d’autant plus grave en cas d’épidémie.


Les maladies chroniques vont exploser

L’Organisation mondiale de la santé définit les maladies chroniques comme “des affections de longue durée qui, en règle général, évoluent lentement”. Parmi elles on peut citer le diabète, l’arthrose, le cancer, les cardiopathies ou encore Alzheimer. Elles seraient responsables de 63 % des décès dans le monde, ce qui en fait la première cause de mortalité.

Selon l’Insee, les personnes âgées d’au moins 65 ans représentaient 19,2 % de la population en 2017, un chiffre qui a progressé de 3,9 points en vingt ans. Pour le Pr. Roger Salamon, le vieillissement de la population risque d’entraîner une hausse significative de ces pathologies. Pour exemple, la France comptait 900 000 malades d’Alzheimer en 2015. Aujourd’hui, ce nombre s’élève déjà à 1,2 million, selon l’association France Alzheimer.

“De nombreuses maladies chroniques, qu’on développe entre 50 et 60 ans, se compliquent quand on vieillit. Au fil du temps, elles deviennent de plus en plus gênantes, surtout chez ceux qui vivent jusqu’à 80-90 ans. En résulte une perte d’autonomie importante”, explique le spécialiste.

Chez ces patients, la perte d’autonomie peut être liée au déclin cognitif (perte de mémoire, désorientation spatiale ou temporelle, altération du jugement…) mais aussi purement physique (problèmes moteurs, douleurs). Ainsi, les tâches de la vie quotidienne, comme s’habiller, faire ses courses ou le ménage, peuvent désormais sembler insurmontables.

S’il est indispensable de prendre en charge la dépendance liée aux maladies chroniques, celle-ci reste relativement coûteuse. Une réflexion est actuellement en cours en France, pour savoir comment la financer. En 2014, le budget de la dépendance des personnes âgées s'est élevé à 30 milliards d'euros dans l’hexagone. L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) a coûté, à elle seule, 5,8 milliards d’euros en 2016.


La résurgence d’agents pathogènes en lien avec le climat va faire des ravages

La modification du climat peut, elle aussi, entraîner une évolution dans le paysage des maladies. “L’augmentation de la température de l’eau et de l’air peut entraîner une modification des germes et des bactéries”. Ainsi, certains agents pathogènes vont se développer ou migrer vers des régions encore saines. Quant à d’autres maladies, que l’on croyait disparues, elles sont en pleine résurgence.

Des maladies à transmission vectorielle, comme le paludisme, zika, la dengue ou le chikungunya, sont en plein essor. Le moustique-tigre, qui peut transmettre plusieurs de ces maladies, a d’ores-et-déjà commencé à coloniser la France : on le retrouve dans 51 départements. Très récemment, 18 cas de dengue ont été confirmés en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, et un cas dans le Lot-et-Garonne.

Les moustiques ne sont pas les seuls à migrer vers les pays qui se réchauffent. Les tiques semblent faire de même. Ces dernières sont les principales responsables de la transmission de la maladie de Lyme. Le nombre de cas en France est d’ailleurs en croissance, puisqu’il est passé de 45 000 à 67 000, entre 2017 et 2018.

Le changement climatique peut aussi augmenter la morbidité liée à la malnutrition et au manque d’eau potable, ou à la survenue d’événements climatiques extrêmes comme les inondations et les vagues de chaleur - à l’image de la récente canicule, qui a causé au moins quatre décès dans l’hexagone.

Le Pr. Salamon souligne néanmoins que les résurgences de maladies ne sont pas toutes liées au climat. “Ainsi, ebola ou le sida progressent, mais cela n’a rien à voir avec le réchauffement climatique”. Le développement rapide des transports facilite la propagation de ces pathologies.


Les risques environnementaux, liés à la pollution et aux substances toxiques

Pesticides, perturbateurs endocriniens, produits toxiques… les conséquences de notre environnement sur la santé ne sont pas négligeables. Une revue de la littérature scientifique des trente dernières années a permis à l’Inserm d’établir une association positive entre l’exposition professionnelle aux pesticides et certaines pathologies chez l’adulte, comme la maladie de Parkinson et certains cancers – notamment celui de la prostate et du cerveau.

L’exposition prénatale et pendant la petite enfance semble également présenter un risque pour le développement. En outre, l’exposition permanente, même à faible dose, de la population à des mélanges de pesticides pourrait avoir un impact sanitaire à long terme, bien que les scientifiques ne soient pas en mesure de conclure sur ce point, pour le moment.

Selon l’OMS, “plus de trois millions d’enfants de moins de cinq ans meurent chaque année des causes et affections liées à l’environnement”. Celui-ci compte donc parmi les premières causes de mortalité infantile, et influe aussi “énormément sur la santé et le bien-être des mères”.

Les affections pulmonaires dues à la pollution sont aussi à la hausse. Un rapport de la revue médicale The Lancet montre que la pollution de l’air est à l’origine de 6,5 millions de morts chaque année, dont la plupart font suite à des affections cardiovasculaires ou pulmonaires. On est aussi de plus en plus conscients des risques liés à la pollution intérieure : mauvaise ventilation, solvants présents dans les peintures et dans les meubles, produits d’entretien et cosmétiques toxiques… La prévention sur ce point reste cependant trop peu développée.

L’environnement nucléaire peut aussi présenter des risques pour la santé. Récemment, une contamination radioactive anormalement élevée a été mesurée dans la Loire et la Vienne. En cause, le rejet de tritium en grande quantité dans ces cours d’eau par des centrales nucléaires. Un phénomène inquiétant puisque ce radioélément a été retrouvé jusque dans l’eau du robinet, dans les régions concernées.

En outre, les conséquences de la pollution environnementale peuvent avoir des effets différés dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Nous avons pu le constater avec l’apparition de certains cancers, par exemple suite à une exposition prolongée à l’amiante. Si cette substance est désormais un cancérogène reconnu, et interdite en France, elle a longtemps été utilisée dans le bâtiment, puisqu’on ignorait encore ses effets à long terme.


Faut-il s’alarmer ?

Si l’explosion de ces maladies doit inquiéter, celle-ci peut toutefois être contrebalancée par les avancées de ma médecine. Des progrès certains vont voir le jour en matière de diagnostics, avec la possibilité de faires des examens précis pour dépister au plus tôt certaines pathologies – et on sait que plus le diagnostic est précoce, meilleures sont les chances de guérison.

En parallèle, il y aura probablement des progrès thérapeutiques, avec la mise au point de nouveaux médicaments – même si l’on sait que la lutte contre l’antibiorésistance sera difficile à gagner. L’évolution de la médecine peut laisser espérer que toute cette hausse des maladies sera contenue.

De temps en temps, ces progrès peuvent toutefois avoir, en eux-mêmes, des effets délétères. On peut citer l’exemple des grands prématurés, que l’on parvient à maintenir en vie de plus en plus tôt. “Peu à peu, on commence à se rendre compte que ces enfants nés bien avant le terme sont davantage sujets à certaines pathologies”, explique le professeur.

Certains excès thérapeutiques peuvent également être envisagés, comme c’est déjà le cas avec la crise des opioïdes. Les sur-prescriptions de ces antidouleurs, associées aux effets de dépendance qu’ils entraînent, ont déjà causé plusieurs dizaines de milliers de morts. On peut imaginer que le cannabis thérapeutique pourrait être, lui aussi, sujet à quelques excès. Toutefois, les “dérives” liées aux avancées médicales resteront probablement très marginales.

En outre, des progrès sont aussi possibles en prévention, bien que l’épidémiologiste reste un peu inquiet quant à ce dernier point. “La prévention est toujours le parent pauvre”, précise-t-il. A l’heure actuelle, celle-ci est encore limitée, et manque d’organisation. Les lobbies compliquent également son développement. Pourtant, elle permettrait de prévenir plusieurs pathologies, en encourageant des changements de comportements (meilleure alimentation, pratique d’une activité physique, arrêt du tabac…) ou des modifications de l’environnement (moins de pesticides, amélioration des routes…).

On peut évidemment espérer que ces progrès seront suffisants pour endiguer les risques précédemment cités, mais on n’en est pas sûr. Pour le professeur, on peut toutefois affirmer avec certitude que les progrès seront supérieurs aux risques pour certains pays ou populations aisés. En revanche, dans les pays moins développés, ou chez des populations défavorisées (dans certains quartiers, par exemple), l’évolution sera plutôt défavorable. “On peut craindre de voir se dessiner une augmentation de plus en plus nette des inégalités sociales de santé”.

Source: MediSite