Sous le choc, des personnalités ivoiriennes et des fans, en nombre dans les rues d’Abidjan, ont rendu hommage au chanteur, tué dans un accident de moto.
« DJ n’est pas mort, DJ ne peut pas mourir, il est trop jeune pour mourir, un guerrier ça meurt au combat, pas sur une moto, ce sont des bêtises », crie Moustafa Koné à l’oreille de son ami Olivier Bony, inconsolable. Postés devant la polyclinique des Deux-Plateaux à Cocody où la star ivoirienne de 33 ans est décédée ce matin vers 8 heures, les deux jeunes fans ne veulent pas croire à la mort de leur idole et scrutent la moindre information dans la rue et sur les réseaux sociaux.
La triste nouvelle a pourtant bel et bien été officialisée par Maurice Bandaman, le ministre de la culture en personne, sur la RTI, la chaîne nationale ivoirienne, et sur son compte Twitter en début d’après-midi. Il y « présente ses condoléances à la famille et aux mélomanes », et annonce que des dispositions seront prises pour « un hommage à l’artiste ».
DJ Arafat, de son vrai nom Ange Didier Huon, a succombé à ses blessures survenues dans un accident de la route alors qu’il roulait à moto dans la nuit de dimanche à lundi à Abidjan. Le chanteur aurait percuté la voiture d’une journaliste de Radio Côte d’Ivoire avant de s’effondrer, inanimé. Hier soir déjà, de nombreuses pages Facebook commentaient l’accident décrit par certains comme « inquiétant ».
« Le petit est parti » Ironie tragique de l’histoire, DJ Arafat revenait d’un concert de sa tournée musicale Moto, moto tour, titre d’un de ses tout derniers tubes, afin de récolter des fonds pour les démunis. Avec plus de 2,3 millions d’abonnés sur sa page Facebook et un nombre tout aussi important de fans dans toute l’Afrique et la diaspora, DJ Arafat était considéré comme l’un des plus grands artistes du continent. « On est tous des Chinois », criaient ses fans cet après-midi dans d’importants rassemblements spontanés, dans les stades, devant la RTI, sa maison et la polyclinique. Une référence à son immense fan club qu’il appelait affectueusement « la Chine ».
« Le petit est parti. Il a vécu comme une étoile filante. Nous sommes tous effondrés. Dans le style du zouglou, à l’international, il y a Magic System. Pour le coupé-décalé, c’était DJ Arafat. C’est une grande perte pour la musique ivoirienne », a regretté A’salfo, le leader du groupe Magic System, qui s’est rendu à la polyclinique. Le footballeur Didier Drogba, que l’artiste considérait comme son « grand frère », et le ministre de la défense Hamed Bakayoko, dont il était proche, lui ont également rendu hommage. Puis dans la soirée, c’était au tour du président Alassane Ouattara de réagir à la nouvelle sur Twitter : « C’est avec une grande tristesse que j’ai appris le décès de Houon Ange Didier “DJ Arafat”, icône de la jeunesse et ambassadeur de la musique et de la culture ivoirienne. Je présente mes sincères condoléances à sa famille et à tous ses fans. »
Car le bad boy aux dreadlocks et aux lunettes de soleil, réputé pour ses buzz et ses clashes à répétition, séduit tant les enfants pauvres que les puissants. Dans le club privé du ministre de la défense, ancien patron de la station musicale Nostalgie, Arafat allait chanter de temps en temps. « Il m’a toujours soutenu et m’a beaucoup aidé tant mentalement que financièrement. Il me donne des conseils. C’est mon papa », disait l’artiste.
Enfant des rues DJ Arafat, c’est l’histoire d’un enfant de la commune populaire Yopougon, fils d’un père chanteur et d’une mère danseuse. Les parents sont toujours absents, alors le jeune homme traîne dans les rues, et tombe très tôt dans la violence et la drogue. Les Ivoiriens ont l’habitude de le retrouver dans la rubrique « faits divers » des journaux. En 2011, une polémique naît d’une vidéo affichant DJ Arafat en état d’ivresse et levant la main sur son ex-compagne Alexia Vody Josephine Zeplenou. Il l’accuse de l’avoir trompé et lui casse une assiette sur la tête. Les réactions fusent, plusieurs associations pour les droits des femmes montent au créneau.
DJ Arafat, nom de scène en référence au leader palestinien Yasser Arafat, était l’un des princes du « coupé décalé », un mouvement musical né au début des années 2000 alors que la Côte d’Ivoire est en proie à un conflit politico-militaire. Impulsé par Douk Saga et La Jet Set, le mouvement se construit autour d’un rythme tonique, un style vestimentaire, le buzz et le « travaillement » qui consiste à jeter des coupures de billets de banque sur une personne ou un artiste pour l’encourager.
Ces dernières années, l’artiste prolifique avait notamment chanté sur les scènes du Zénith et du Bataclan à Paris avant de signer chez Universal Music. Il avait sorti son dixième album fin 2018, intitulé Renaissance. Ça ne s’invente pas.