Le 3 juillet prochain, Abidjan accueillera une réunion des acteurs des filières cacao ivoirienne et ghanéenne afin de discuter des modalités de la mise en place d’un prix plancher. Mercredi 12 juin en effet, les deux pays, qui représentent les 2 tiers de la production mondiale de cacao, ont décidé de faire pression sur les marchés en suspendant les ventes de la récolte 2020-2021 afin de faire remonter les cours. En Côte d’Ivoire, où le cacao pèse 10% du PIB, ces cours mondiaux trop bas font que les producteurs de « l’or brun » se sentent abandonnés et ne parviennent pas à sortir la tête de l’eau. Reportage.
À Tchaourou, ville d’origine de Boni Yayi, des « groupuscules ont fait usage de fusil artisanal et d’armes blanches blessant grièvement une trentaine d’agents », a affirmé dans la nuit de vendredi à samedi le ministre de l’Intérieur Sacca Lafia, selon l’AFP, ajoutant que le calme était revenu. Les partisans de Boni Yayi ont également incendié le commissariat et bloqué la route principale, toujours selon le ministre de l’Intérieur. « Pour libérer la voie, des agents ont été envoyés. À la hauteur de [la ville de] Savè, ils ont été pris à partie par d’autres groupuscules qui ont également érigé des barricades », a ajouté Sacca Lafia.
Contacté vendredi à la mi-journée par Jeune Afrique, un habitant de Tchaourou, la ville d’origine de l’ancien président Thomas Boni Yayi, décrivait une situation encore extrêmement tendue : « Les militaires tirent sur la population. Chacun est maintenant caché chez soi pour éviter les balles perdues, et des chasseurs se sont retranchés dans la résidence de Boni Yayi [à Tchaourou] ».
Ce témoin, qui a requis l’anonymat, militant des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), le parti de l’ancien président béninois assurait par ailleurs qu’« il y a eu plusieurs blessés par balles dans la population ».
Timothée Biaou, le maire de la commune voisine de Savé, a pour sa part assuré à l’AFP que, jeudi soir, « la police républicaine a tiré à balles réelles et il y a eu deux blessés graves », démentant au passage une information relayée par plusieurs médias portant sur la mort d’un manifestant. Il a par ailleurs assuré que « les jeunes ont rétabli les barrages ce [vendredi] matin sur la route entre Cotonou et Parakou. »
Une vingtaine de blessés du côté des forces de l’ordre « Je suis formel : les forces de l’ordre n’ont pas tiré sur les manifestants. Elles effectuent des tirs de sommation », a pour sa part affirmé Sacca Lafia, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, contacté vendredi par Jeune Afrique.
« Les forces de l’ordre comptent une vingtaine de blessés dans leurs rangs, dont certains très gravement, après avoir été touchés par des tirs d’armes de chasse », a-t-il précisé, assurant que, depuis le début des violences, aucune interpellation n’avait été pratiquée, et n’être pas en possession de bilan d’éventuels blessés du côté des « chasseurs ».
« Pour l’instant, nous sommes occupés à dégager la route », a-t-il expliqué, affirmant que les photos de personnes blessées par balles qui circulent depuis le début de la semaine sur les réseaux sociaux « sont des fausses, des images qui ont été prises ailleurs ».
Les violences entre forces de l’ordre et manifestants – dont certains armés d’armes de chasse – ont démarré lundi, après l’arrestation de plusieurs personnes suspectées dans le cadre des enquêtes menées sur les violences électorales qui ont secoué le pays dans les jours précédents et au lendemain du scrutin législatif du 28 avril dernier, lors duquel aucune liste d’opposition n’avait été autorisée à participer.
Une arrestation qui a mis le feu aux poudres Si les autorités évoquent une enquête sur des incendies criminels commis les 27 et 28 avril, la veille et le jour du scrutin, les militants locaux du FCBE affirment que les suspects ont été arrêtés car ils avaient relayé les appels de l’opposition à boycotter le scrutin.
L’arrestation a fait l’effet d’une étincelle dans ce fief de Thomas Boni Yayi, dont les avocats affirment qu’il est en « résidence surveillée » dans sa maison de Cadjehoun, à Cotonou. Les manifestants ont alors bloqué la route principale qui traverse la ville, l’axe reliant Cotonou à Parakou, la deuxième ville du pays, à 50 km plus au Nord.
« Les gens sont sortis en masse, ont installé des barricades et mis le feu à des pneus pour bloquer la circulation », raconte sous anonymat un autre habitant de Tchaourou joint par téléphone. « Ils réclamaient la libération des personnes arrêtées la veille, mais aussi la liberté pour Boni Yayi », rapporte cet enseignant, qui a quitté Tchaourou jeudi avec sa famille « pour fuir les violences et nous mettre à l’abri à Parakou ».
Bras de fer Yayi-Talon Ces affrontements interviennent alors que le bras de fer fait rage entre l’actuel président Patrice Talon et son prédécesseur, Thomas Boni Yayi. Les proches du second affirment qu’il est, depuis le 1er mai dernier, empêché de sortir de son domicile de Cadjehoun, à Cotonou.
Le juge Aubert Kodjo, chargé de l’instruction dans l’enquête sur les violences post-électorales qui ont fait au moins quatre morts au Bénin, les 1er et 2 mai, a demandé à l’entendre dans le cadre de son enquête. Pour l’instant, sans succès. Les avocats de l’ancien président béninois assurent que Boni Yayi, souffrant, n’est pas en capacité de subir un interrogatoire.
« Rien n’a changé. Thomas Boni Yayi est retenu prisonnier chez lui. Aucun véhicule ne peut entrer ou sortir, il y a des barrages et des policiers dans sa rue », accuse Me Renaud Agbodjo, l’un de ses avocats. « Il est dans un état de santé fragile, a besoin de se faire soigner, et on a l’impression que le pouvoir exerce un chantage, qu’ils ne le laisseront pas aller se faire soigner tant qu’il n’aura pas fait cet interrogatoire », estime l’avocat, qui affirme par ailleurs que Thomas Boni Yayi avait « un rendez-vous à l’hôpital américain de Paris, jeudi, auquel il n’a pu se rendre car il craint pour sa sécurité si il sort de son domicile ».
Les proches de l’ancien président ont par ailleurs fait circuler une lettre adressée à la Cedeao et à l’Union africaine par les anciens présidents Olusegun Obasanjo et John Kufuor, dans laquelle le Nigérian et le Ghanéen réclame aux deux instituons « d’envoyer une délégation pour appeler le président Talon à libérer son prédécesseur qui a besoin d’attention médicale à l’étranger ». Les deux anciens chefs d’État réclament également à la Cedeao et à l’UA de « prendre des mesures pour éviter que la situation ne se détériore ».
« Une stratégie de victimisation », balaie une source de Jeune Afrique au sein de la présidence béninoise. « La justice a ouvert une enquête sur les violences du 1er et 2 mai, et les jeunes gens appréhendés désignent Thomas Boni Yayi parmi les commanditaires. C’est pourquoi le juge veut l’écouter », continue notre source, qui assure que « le climat politique s’apaisera quand le chantage [de ceux] d’en face s’avéreront inopérants ».