Le coronavirus semble moins agressif que lors de l’épidémie de Sras de 2003.
Depuis l’identification du nouveau virus en Chine, les experts internationaux ont désormais une bonne idée de sa sévérité et de sa contagiosité.
Comment se protéger contre le virus?
Il est maintenant établi que le virus se transmet d’humain à humain. Les premiers indices sont apparus au début du mois, avec un malade apparemment contaminé par des membres de sa famille qui s’étaient rendus à Wuhan (cas relaté dans la revue The Lancet le 24 janvier). Par la suite, ce sont seize soignants dans des hôpitaux de la ville qui sont tombés malades après avoir traité des patients infectés par le coronavirus. Le virus 2019-nCoV se transmet comme la plupart des infections respiratoires (grippe, VRS), de manière directe, par la toux, les éternuements ou les crachats. Il peut aussi y avoir une transmission par contact, si un malade tousse dans sa main par exemple. «Il faut donc se protéger de la même manière que lors d’une épidémie de grippe saisonnière, avec les règles d’hygiène bien connues», rappelle Bruno Lina, professeur de virologie au CHU de Lyon et responsable du Centre national de référence sur les virus respiratoires.
Quel est le niveau de contagiosité du virus?
«À priori, personne n’est protégé contre cette maladie puisqu’elle émerge», souligne Pierre-Yves Boëlle, professeur d’épidémiologie à Sorbonne Université. Pour évaluer sa capacité de propagation, les scientifiques se fondent sur deux paramètres. Le premier indique le nombre de personnes qu’un malade peut infecter en l’absence de mesures de contrôle. C’est en quelque sorte le taux d’amplification de la maladie, appelé R0 (R zéro). Il serait ici compris entre 2 et 3. Un résultat comparable à celui d’autres infections respiratoires profondes, comme le Sras (syndrome respiratoire aigu sévère), causé en 2003 par une autre souche de coronavirus. Ce dernier s’est révélé relativement peu contagieux. Le deuxième indice que regardent les épidémiologistes est l’intervalle de génération, qui renseigne sur la vitesse de transmission de la maladie. Il pourrait être de 8 à 10 jours en moyenne. «Ceci serait rassurant», selon Pierre-Yves Boëlle: «Cette progression relativement lente est un atout, car elle laisse du temps à la mise en place de mesures de prévention et de contrôle.» Deux informations cruciales manquent toutefois pour appréhender la capacité de nuisance de ce nouveau coronavirus. Est-il contagieux avant les premiers symptômes, c’est-à-dire pendant l’incubation, qui dure 7 jours en moyenne? C’est ce qui serait arrivé à au moins un malade chinois, rapporte Ma Xiaowei, le ministre en charge de la Commission nationale de santé chinoise. Le virus peut-il être asymptomatique chez certains individus ? Dans les deux cas, cela lui permettrait de passer inaperçu et rendrait sa propagation plus difficile à endiguer.
Quels sont les symptômes?
Dans une autre publication du Lancet, des chercheurs de l’hôpital Jin Yin-tan retracent le tableau clinique présenté par les 41 premiers patients hospitalisés à Wuhan pour une pneumonie, et dont l’infection à 2019-nCoV a été confirmée. Treize d’entre eux ont été admis en soins intensifs. Six sont décédés. Les premières manifestations de l’infection sont peu spécifiques: le plus souvent de la fièvre, une toux sèche ou une fatigue, plus rarement une toux grasse, des maux de tête, des rejets de sang. Seuls deux malades ont eu des diarrhées, alors que ce symptôme était fréquent lors de l’épidémie de Sras. En moyenne huit jours après les premiers signes, 22 malades ont ressenti des difficultés à respirer. L’infection a entraîné plusieurs types de complications: des syndromes de détresse respiratoire aiguë, des atteintes cardiaques, des infections secondaires. La moitié des patients avaient d’autres pathologies (diabète, hypertension, maladie cardiovasculaire).
Quel est le taux de mortalité du coronavirus?
Il est encore difficile d’évaluer l’agressivité du virus 2019-nCoV. Avec 56 morts pour un peu plus de 2000 cas confirmés, le taux de mortalité est pour l’heure proche de 3 % (moins que le Sras, mais plus que la grippe saisonnière). «Il est important de noter que dans les épidémies d’infection virale émergentes, le taux de létalité est souvent surestimé aux premiers stades», insiste l’étude dans The Lancet. En tout état de cause, une faible dangerosité à l’échelle individuelle ne signifie pas que la maladie n’aura pas un fort impact à l’échelle globale. La grippe espagnole, par exemple, a causé des millions de morts dans le monde en 1918, alors que son taux de mortalité est estimé à 5 %.
Comment endiguer l’épidémie?
De l’avis de tous les spécialistes, la priorité est de repérer les malades contaminés par le virus, et de les placer à l’isolement. Grâce à la séquence génétique du coronavirus transmise à la mi-janvier par les chercheurs chinois, deux centres de référence en France, à Lyon et à l’Institut Pasteur, à Paris, sont capables de détecter le virus à partir d’échantillons respiratoires des malades. «L’analyse est très rapide, et elle n’est limitée que par le temps de transport des échantillons», précise le Pr Yazdan Yazdanpanah, chef du service maladies infectieuses à l’hôpital Bichat, à Paris.
Après confirmation de l’infection, la prise en charge médicale des malades s’attaque aux seuls symptômes déclarés, car il n’existe pas de traitement spécifique ni de vaccin. La prévention passe par une sensibilisation des médecins ainsi que des voyageurs, notamment dans les aéroports. En cas de symptômes, les malades de retour de voyage en Chine doivent appeler le 15. Pour éviter le risque de contagion, le recours aux urgences hospitalières ou à une consultation médicale en ville est en effet déconseillé. Un article du New England Journal of Medicine rappelle que la majorité des cas de sras ont été associés à des contaminations à l’hôpital.
Finalement, le Sras a été endigué par la surveillance, l’isolement des patients, la recherche des contacts infectés et leur mise en quarantaine. Des principes qui s’appliquent pour l’épidémie en cours, et qui supposent un système de santé bien organisé. «Il sera aussi déterminant de réussir à identifier le réservoir animal du virus, afin d’éviter sa réintroduction», souligne Jean-Claude Manuguerra, responsable de la cellule d’intervention biologique d’urgence à l’Institut Pasteur.