Le président sortant a recueilli 72,36 % des voix. Le candidat de l'opposition Agbéyomé Kodjo dénonce des fraudes et revendique également la victoire.
Au Togo, Faure Gnassingbé a donc été réélu pour un quatrième mandat. Le président a obtenu 72,36 % des voix, selon les résultats proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Un score qui le place très loin devant le candidat de l'opposition Agbéyomé Kodjo, qui dénonce des fraudes et revendique lui aussi la victoire.
Le chef de l'État sortant l'emporte dès le premier tour, ayant obtenu la majorité absolue, selon les chiffres officiels. Son principal rival, Agbéyomé Kodjo, obtient, lui, seulement 18,37 %, tandis que le troisième candidat, Jean-Pierre Fabre, récolte 4,35 % des voix. Sept candidats au total étaient en lice, les trois derniers ayant fait des scores insignifiants.
Le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara, qui est aussi l'un des premiers soutiens du chef de l'État, a évoqué « un score inédit » pour le candidat du parti au pouvoir, Union pour la République (Unir). Il avait été élu avec un peu plus de 58 % des voix il y a cinq ans. « Nous constatons aujourd'hui que Faure Gnassingbé a opéré une grande percée dans des localités autrefois difficiles et que, dans le reste des autres localités de notre pays, c'est un véritable plébiscite », a affirmé Gilbert Barawa à la presse, après l'annonce des résultats.
Agbéyomé Kodjo revendique la victoire
Le taux de participation est de 76,63 %, là aussi bien plus élevé qu'en 2015 (60,99 %). C'est la première fois que des résultats sont annoncés aussi rapidement au Togo, à peine plus de 24 heures après le scrutin présidentiel, qui s'est déroulé samedi dans le calme. Faure Gnassingbé, arrivé au pouvoir en 2005 après le décès de son père, le général Gnassigbé Eyadéma, qui avait lui-même dirigé le Togo pendant 38 ans, a été réélu depuis, lors de scrutins très contestés par l'opposition.
Quelques heures avant l'annonce des résultats officiels, l'outsider de l'opposition Agbéyomé Kodjo, ancien Premier ministre et président de l'Assemblée nationale, s'était, quant à lui, autoproclamé « président démocratiquement élu ». « Au regard des résultats que nous avons compilés à travers les procès-verbaux en notre disposition, notre candidat a gagné l'élection présidentielle [...] au premier tour avec un score oscillant entre 57 et 61 % », a-t-il déclaré à la presse depuis son domicile à Lomé.
« Je suis le président démocratiquement élu et je m'engage à former un gouvernement inclusif dans les prochains jours », a-t-il ajouté, invitant le président sortant à « un sursaut patriotique pour un transfert pacifique du pouvoir ». Agbéyomé Kodjo avait, dès samedi soir, dénoncé de « nombreuses fraudes » ayant émaillé le scrutin, assurant que le vote avait été « un véritable tsunami » en sa faveur.
Des signalements de fraudes
Le candidat du Mouvement patriotique pour le développement et la démocratie (MPDD) avait créé la surprise samedi lors du dépouillement, notamment à Lomé, la capitale, où il a devancé l'Alliance nationale pour le changement (ANC), le parti du leader historique de l'opposition, Jean-Pierre Fabre.
Agbéyomé Kodjo affirmait avoir une large avance dans les régions Maritime (Sud) et Plateaux (Centre-Sud), être au coude à coude avec le parti au pouvoir Unir dans le Centre et avoir réalisé de très bons scores dans les Savanes (Nord). Son domicile, de même que celui de son principal soutien, l'ancien archevêque de Lomé Mgr Kpodzro, avait été encerclé samedi soir pendant quelques heures par les forces de l'ordre, qui ont affirmé vouloir « garantir leur sécurité ». Le vote s'est déroulé sans violences, mais la société civile a recensé des bourrages d'urnes et des inversions de résultats.
Des délégués de l'opposition se sont également vu refuser les accès dans certains bureaux de vote, selon l'opposition, et Internet a été coupé par intermittence dans la capitale ou totalement dans certaines régions sensibles.
« Ingérence étrangère »
Ces incidents s'ajoutent au retrait d'accréditation de nombreux observateurs de l'Église et de la société civile ainsi qu'à l'abandon du système de sécurisation électronique des résultats quelques jours avant le vote. Le pouvoir a dénoncé des tentatives d'« ingérence étrangère » dans le système baptisé Sincère qui devait permettre une compilation électronique des PV et décidé de ne pas s'en servir pour éviter « tout piratage ». Ces résultats sont un coup de massue pour l'opposant historique Jean-Pierre Fabre (ANC), qui avait d'ailleurs reconnu sa défaite dès samedi soir par un bref communiqué.
Nombre de Togolais reprochaient à ce rival historique du chef de l'État de ne pas avoir su tirer profit des manifestations monstres de 2017-2018, où des dizaines de milliers de personnes sont régulièrement descendues dans les rues pour demander la démission de « Faure ». « Vous avez vu, on a donné nos votes à Agbéyomé. C'est un vote sanction pour Fabre. On l'a soutenu en 2005, en 2010, en 2015, et il nous a trahis », déclaraient, lors du dépouillement, des électeurs surexcités à Bè, quartier de Lomé acquis à l'opposition. Les candidats de l'opposition avaient assuré qu'ils s'allieraient en cas de second tour pour faire barrage au président sortant.
Dimanche, la situation était calme dans la capitale, et en matinée, les habitants se sont rendus à l'église comme à l'accoutumée, ont constaté des journalistes de l'Agence France-Presse.