Le Nigeria va revoir son budget à la baisse du fait de la chute des cours du pétrole, tout en augmentant sa production pour compenser ses recettes.
C'est une journée dont les plus grands producteurs mondiaux de pétrole se souviendront longtemps. Lundi 9 mars, les cours du pétrole ont encaissé leur pire séance depuis le début de la guerre du Golfe en 1991 en chutant d'environ 25 % à New York comme à Londres après l'échec de discussions entre la Russie et l'Arabie saoudite. Au cœur de ce séisme, le Nigeria, le plus grand producteur d'or noir du continent africain avec 2 millions de barils par jour, va devoir se serrer la ceinture et stimuler sa production de pétrole pour faire face à l'effondrement des cours du baril dû à l'épidémie mondiale de nouveau coronavirus.
Une crise grave autour du pétrole
Tout s'est emballé le 6 mars, alors que l'Arabie saoudite, qui peut extraire de l'or noir à de très faibles coûts, a décidé de baisser unilatéralement ses prix à la livraison, opérant la plus importante réduction en vingt ans. Une initiative spectaculaire et lourde de conséquences prise dans la foulée de discussions de l'Opep + (rassemblant l'Opep et ses partenaires, dont la Russie), qui se sont conclues sans accord vendredi alors que l'épidémie de coronavirus provoque des craintes sur l'activité économique et donc la demande d'or noir. La Russie, deuxième producteur mondial de pétrole et qui n'est pas membre de l'Opep, s'était opposée à une nouvelle réduction de 1,5 million de barils par jour. Depuis le début de la crise, les cours n'ont fait que dévisser, au point que les membres de l'Opep se sont réunis dans le cadre de l'Opep +, à Vienne (Autriche), pour tenter d'élaborer une stratégie.
Buhari monte au front
Peine perdue et le président nigérian Muhammadu Buhari de monter au front en mettant en place un comité de stratégie qui doit lui présenter un rapport dès mercredi avec des propositions pour limiter les retombées économiques de la crise du coronavirus, a expliqué la ministre des Finances, Zainab Ahmed, à la presse au sortir d'une réunion. « Il est très clair que nous devrons revoir le prix de référence du pétrole brut que nous avons établi à 57 dollars le baril » pour l'année 2020, a-t-elle déclaré. « La conséquence, c'est qu'il y aura une baisse des revenus dans le budget, ce qui signifiera une réduction de la taille du budget. »
Le ministre du Pétrole, Timipre Sylva, a déclaré qu'à court terme le Nigeria chercherait à booster sa production de pétrole au-dessus des 2 millions de barils par jour actuels pour compenser une partie de la baisse des prix. « De toute évidence, nous allons augmenter notre production, car c'est désormais la tendance », a-t-il déclaré, sans donner d'objectif chiffré.
90 % des recettes du pays impactées
Le Nigeria, membre de l'Opep, espère que les géants pétroliers russe et saoudien reprendront les discussions lorsqu'ils commenceront à sentir l'impact concret de la baisse des cours. « Nous pensons que, dans les prochains jours, lorsque nous aurons tous commencé à voir l'effet de la baisse des prix, l'Opep et les non-membres de l'Opep, nous devrons peut-être nous réunir à nouveau et reconsidérer nos positions », a déclaré le ministre Sylva. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a ainsi indiqué lundi que la demande mondiale de pétrole devrait se contracter cette année, pour la première fois depuis 2009, avec une diminution d'environ 90 000 barils par jour (bpj) par rapport à 2019. Le Nigeria avait déjà du mal à voir sa croissance repartir après avoir traversé en 2016-2017 une récession majeure, causée par les chutes des cours mondiaux du brut. Malgré les promesses faites par Abuja – qui tire environ 90 % de ses recettes du brut – de diversifier l'économie, le pays le plus peuplé d'Afrique reste très dépendant de l'or noir.
Inquiétude sur les réseaux sociaux
Sur les réseaux sociaux, les Nigérians sont inquiets et attendent les mesures qui vont être annoncées prochainement. « Comment allons-nous nous préparer ? Nous sommes trop dépendants du pétrole. Malgré les discussions sur la diversification économique, le pétrole brut représente toujours 81,1 % des exportations totales du Nigeria. C'est notre source la plus élevée de revenus en devises », s'interroge cet Internaute sur Twitter. Un autre lui précise : « Notre budget 2020 a fixé le prix du pétrole à 57 dollars le baril et les prix pourraient encore baisser. Faisons attention à la réaction de notre gouvernement à ce sujet », argumente-t-il. Wilson Ebrumeror résume la situation : « Le coronavirus a touché de nombreux pays. Avec la lente reprise économique du Nigeria depuis la dernière récession et les effets du Covid-19 sur le prix du pétrole brut, il est clair que nous ne sommes pas encore sortis du bois. Et le Nigeria pourrait se diriger vers la pire récession de son histoire. »
Comment faire avec un budget en baisse ?
Et d'autres annonces ne sont pas pour rassurer. Le Sénat nigérian a donné il y a tout juste une semaine son accord pour une demande très controversée d'emprunt de 22,7 milliards de dollars, soit les deux tiers de ses prévisions de budget pour 2020, assurant vouloir relancer des travaux d'infrastructures. Le pays devrait souscrire ces emprunts à la Banque mondiale, la Banque islamique de développement, Eximbank en Chine, la Banque africaine de développement et des prêteurs en Allemagne et au Japon. Mais, en février, un rapport du cabinet financier Moody's, indiquait que « le Nigeria figure parmi les pays dont la situation apparaît la plus préoccupante en termes de soutenabilité de la dette » dans la zone ouest-africaine. La ministre des Finances, Zainab Ahmed, a tenté de rassurer en affirmant que le gouvernement procéderait à « un nouvel examen » dans les prochains mois et ajusterait le budget si les revenus continuaient à diminuer, dans un contexte d'incertitude des chiffres de la croissance mondiale due à l'épidémie de coronavirus.