L'Organisation des Nations unies pour d'éducation, la science et la culture (Unesco) dénonce une fracture numérique préoccupante dans l'enseignement à distance en cette période de crise sanitaire.
Rien qu'en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, plus de 100 millions d'enfants se sont retrouvés, du jour au lendemain, privés d'école pour cause de coronavirus, selon un décompte établi par l'Unicef, le Fonds des Nations unies pour l'enfance. Jamais autant d'enfants n'avaient été séparés de leurs enseignants.
Face à la pandémie du Covid-19, l'enseignement à distance s'est révélé précieux dans la grande majorité des pays à travers le monde pour assurer la continuité de l'éducation. Mais l'exercice a mis en lumière des disparités criantes dans les pays à faibles revenus. L'Afrique subsaharienne est particulièrement concernée, comme le montrent les chiffres rassemblés par l'Unesco, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture.
''En Afrique subsaharienne, 89% des apprenants n'ont pas accès aux ordinateurs familiaux et 82% n'ont pas internet'' -- Données fournies par l'Unesco
Pas d'ordinateurs familiaux et pas assez de connexions avec les téléphones mobiles qui pourraient permettre aux apprenants d'accéder à l'information. Quelque 25 millions d'élèves vivent dans des lieux non desservis par les réseaux mobiles en Afrique subsaharienne. D'où l'appel lancé par la directrice générale de l'Unesco, Audrey Azoulay, en faveur d'alternatives pour réduire ces inégalités.
''Nous devons soutenir d'autres alternatives, notamment le recours aux émissions de radio et de télévision communautaires, et la créativité dans toutes les formes d'apprentissage'', plaide Mme Audrey Azoulay.
Des initiatives encourageantes
Ce n'est pas la solution miracle, mais plusieurs Etats africains ou des chaînes de télévisions privées ont déjà lancé des programmes de télé-enseignement pour tenter de compenser la fermeture des établissements scolaires et universitaires. C'est le cas au Sénégal, où la télévision privée Futurs Médias (TFM), propriété du chanteur Youssou Ndour, dispense trois fois par jour des cours à toutes les classes, y compris l'enseignement professionnel.
''C'est pour éviter que le Covid-19 gagne là où ça fera le plus mal, dans le domaine du savoir'' -- Massamba Guèye, enseignant-chercheur au Sénégal à l'AFP
Dans plusieurs pays africains, la reprise de l'école n'est pas encore à l'ordre du jour. Tout le monde craint désormais une probable année blanche et tente d'y remédier avec les moyens du bord. Au Burkina Faso, la télévision privée Burkinainfo a pris les choses en mains. Elle diffuse quatre fois par jour des cours destinés aux élèves en classe de troisième et de terminale. Les enseignants sont enregistrés, puis diffusés sur la télévision. ''Des matières telles que les mathématiques, la physique et la chimie, la philosophie et le français sont dispensées bénévolement par des enseignants expérimentés'', explique le directeur de la chaîne, Ismaël Ouedraogo.
Plusieurs instituts et universités africaines privés explorent l'enseignement à distance avec internet, mais cette méthode se heurte dans la plupart des pays à la faible couverture notamment dans les zones rurales. Comment organiser le télé-enseignement dans les quartiers où il n'y a parfois ni électricité, ni télévision, ni radio et encore moins d'internet ?
Un fossé inquiétant dans le monde post-coronavirus
La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) tire la sonnette d'alarme. Il ne faudrait pas laisser ceux qui sont moins équipés numériquement encore plus loin derrière dans un monde post-coronavirus, prévient l'organisation. ''Le fossé en matière d'éducation peut se creuser dans les pays en développement, aggravant les inégalités'' -- Shamika Sirimanne, directrice des technologies à la Cnuced
Le responsable de l'économie numérique à la Cnuced, Torbjörn Fredriksson, n'est guère optimiste. Pour lui, la fracture numérique actuelle va plutôt s'amplifier en raison de la crise du Coronavirus. ''Ceux qui n'ont pas accès (au numérique, NDLR) risquent d'être laissés encore plus à la traîne'', redoute-t-il, au fur et à mesure que la transformation numérique s'accélère.