Selon l’agence de notation Standard & Poor’s, qui s’est penchée sur les 22 États africains qu’elle suit, ces quatre pays sont ceux qui risquent d’avoir le plus de mal à faire face à leurs dettes privées.
Les créanciers privés des pays africains sont inquiets. La crise économique provoquée par la pandémie du Covid-19 sur le continent affecte gravement les recettes et les budgets publics et réduit leurs capacités financières pour rembourser leurs dettes. D’autre part, pour amortir la récession qui s’annonce catastrophique dans les pays pauvres, le G20, le FMI et la Banque mondiale ont appelé à la suspension du service de leur dette par les créanciers publics, mais aussi par les créanciers privés.
Ceux-ci ont donc bombardé l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) de questions pour savoir s’ils risquent de perdre tout ou partie de l’argent qu’ils ont prêté sous une forme ou une autre aux gouvernements et aux entités publiques africaines.
L’agence de notation S&P leur a répondu très clairement le 29 avril : « Parmi les 22 États que nous notons en Afrique, 19 sont classés en catégorie spéculative (BB+ et en dessous). Quatre d’entre eux, l’Angola, le Mozambique, la RDC et la Zambie, figurent dans la catégorie CCC et sont extrêmement vulnérables aux changements de climat des affaires et d’environnement économique qui sont actuellement aggravés par la pandémie. Nous pensons qu’ils risquent plus que les autres de faire défaut sur leur dette commerciale ».
Les pays sous programme jugés moins dangereux
Les autres pays « spéculatifs », mais mieux classés, sont l’Afrique du Sud (BB), le Bénin, le Kenya, le Rwanda et le Sénégal (B+), le Burkina Faso, le Cap-Vert, le Cameroun, l’Égypte, l’Éthiopie, le Ghana, le Togo et l’Ouganda (B), le Congo-Brazzaville et le Nigeria (B-).
La dette extérieure des 19 pays classés dans la catégorie spéculative par S&P est détenue par des créanciers multilatéraux pour 31 %, par des créanciers bilatéraux pour 30 % et par des créanciers privés pour 39 %.
Les pays dont la dette ne présente pas de danger à court terme sont le Botswana (BBB+), le Maroc (BBB-) et Sainte-Hélène (BBB-), selon S&P.
S&P affine et relativise cependant la dangerosité des dettes africaines. En effet, bien que le Congo-Brazzaville, le Mozambique et le Cap-Vert aient les stocks de dettes domestique et extérieure les plus élevés en pourcentage de leur produit intérieur brut (PIB) (plus de 100 % pour chacun d’entre eux), ils bénéficient de taux bas obtenus auprès de bailleurs publics de long terme et les montants de leurs remboursements et paiements sont faibles, ce qui rend leur dette moins dangereuse que celle de l’Angola, toute aussi élevée.
La suspension du service de la dette, un défaut ?
13 pays ne disposent pas de réserves en devises suffisantes pour couvrir leurs passifs externes à court terme. Si l’on en retire les pays membres de l’Uemoa et de la Cemac qui bénéficient de la garantie de la France, tandis que le Cap-Vert maintient une convertibilité fixe en euro grâce au soutien implicite du Portugal.
Restent donc six pays, la Zambie, l’Éthiopie, le Mozambique, le Ghana, le Nigeria et le Kenya « qui pourraient être en difficulté s’ils perdaient l’accès aux marchés de capitaux ou aux prêts concessionnels du FMI, de la Banque mondiale ou de la Banque africaine de développement ».
L’agence veut rassurer ses clients sur ses méthodes de notation. Elle ne considère pas la suspension du service de la dette publique des États africains comme un défaut de remboursement et ne dégradera pas les pays qui en profiteront. En ce qui concerne une suspension éventuelle du service de la dette « commerciale » ou privée, S&P estime qu’elle constitue en temps ordinaire un défaut, mais qu’en l’occurrence, les suspensions seront évaluées au cas par cas.