Plus de 70 personnes ont été interpellées après de violentes manifestations dans plusieurs villes du Sénégal pour réclamer la fin du couvre-feu instauré en mars pour endiguer la progression du coronavirus.
Les manifestations ont démarré mardi et se sont prolongées dans la nuit, dans plusieurs ville du Sénégal, qui compte près de 4 000 contaminations et 45 décès dus au coronavirus et où les restrictions imposées par l’état d’urgence sanitaire sont de plus en plus contestées.
Dans la ville de Touba, ville sainte de la puissante confrérie des mourides, à 200 km à l’est de Dakar, le bilan est de « trois véhicules d’intervention de la police et une ambulance brûlés, le centre de traitement des malades du Covid-19 attaqué, les vitres de la (compagnie nationale d’électricité) Senelec caillassées », a indiqué un haut responsable sénégalais s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
Les manifestations ont également touché Mbacké, voisine de Touba, où des jeunes ont érigé des barricades et brûlés des pneus, ainsi que Diourbel (centre) et Tamba (est). « Le nombre d’interpellés s’élève à 74, à savoir 29 à Touba, 38 à Mbacké, deux à Diourbel et cinq à Tamba », a déclaré mercredi en fin de journée une source proche du dossier ayant également requis l’anonymat.
Médias visés
À Mbacké, des protestataires s’en sont pris au siège local de la radio RFM, appartenant au groupe de presse privé du chanteur et ancien ministre Youssou N’Dour, qui a subi « des dégâts matériels importants », a indiqué une association de journalistes, le Cadre de Concertation des Correspondants de presse du département de Mbackè (3CM).
L’association a appelé dans un communiqué « les autorités à assurer la sécurité des médias en période d’émeutes ». « Les responsables de ce saccage devront être traqués et traduits en justice », a abondé le Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse au Sénégal (Cdeps, patronat), dans un communiqué distinct. Dans un geste rarissime, le khalife général de la confrérie des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, est intervenu à la télévision au milieu de la nuit de mardi à mercredi pour demander l’arrêt des manifestations à Touba, deuxième agglomération du pays avec plus d’un million d’habitants.
« Retournez chez vous. Nous allons voir demain la source des problèmes et comment les régler. Je pense qu’on n’a jamais vu ça à Touba », a dit le plus haut responsable de la confrérie, dont les décisions ont quasiment force de loi pour ses millions de fidèles.
Un état d’urgence critiqué
Instauré le 23 mars par le président Macky Sall pour combattre le Covid-19, l’état d’urgence est jusqu’ici assorti d’un couvre-feu de 21H00 à 05H00 et d’une interdiction de circuler entre les régions. Il a été prolongé jusqu’à fin juin, même si le chef de l’État avait annoncé le 11 mai un assouplissement des mesures, comme la réouverture des marchés, des commerces et des lieux de culte.
De nombreuses voix s’élèvent pour réclamer une levée plus complète des restrictions. Elles invoquent le prix payé par les défavorisés dans un pays où environ 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale et où beaucoup vivent au jour le jour d’activités informelles.
Mais la pandémie continue à progresser. La rentrée scolaire, prévue mardi, a été reportée à la dernière minute à une « date ultérieure », après la découverte de la contamination de 10 enseignants en Casamance, dans le sud du pays. Une décision est attendue dans les prochains jours sur le maintien ou non des mesures décrétées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.