La sœur du dictateur nord-coréen, Kim Yo-jong, s’impose comme l’une des personnalités les plus puissantes du régime.
L ’affaire pourrait paraître insignifiante, mais elle ne l’est pas en Corée du Nord. Depuis quelques semaines, Kim Yo-jong signe des éditoriaux en son nom dans le Rodong Sinmun, organe officiel du régime. Une manière de préparer les foules à sa montée en puissance, qui a culminé mardi avec la démolition par la dictature du bureau de liaison entre les deux Corées. Ce bâtiment était un symbole du dialogue au nord de la zone démilitarisée.
L’implosion télécommandée a été exécutée le jour du 20e anniversaire du premier sommet intercoréen et à une semaine du 70e anniversaire du déclenchement de la guerre entre les deux Corées. La petite sœur du tyran n’a eu qu’à prononcer une phrase le week-end dernier: ''l’inutile bureau de liaison'' devait être ''complètement détruit''. Il n’en reste qu’un tas de gravats.
Kim Yo-jong, dont on ne connaît pas l’âge précis, a entre 32 et 34 ans
La crise du coronavirus, avec la disparition des radars de Kim Jong-un pendant trois semaines, a accéléré un processus déjà entamé en faveur de sa sœur, Kim Yo-jong, dont on ne connaît pas l’âge précis, entre 32 et 34 ans. ''Elle avait été repérée et choisie par son père, explique Juliette Morillot, historienne et spécialiste de la péninsule coréenne. Kim Jong-il, discutant un jour avec un ambassadeur russe, lui avait dit que, de ses trois enfants, elle était de loin la plus futée. La destruction du bureau de liaison lui donne une légitimité, de la même manière que son frère avait gagné ses galons militaires en dirigeant, en 2010, les bombardements sur l’archipel sud-coréen de Yeonpyeong.''
Pour Leif-Eric Easley, professeur à l’université Ewha de Séoul, ''son rôle est désormais d’accroître la pression politique et militaire sur la Corée du Sud''.
Protéger l’ADN de son frère
Si le monde ne l’a découvert que récemment – sa première déclaration publique qualifiant Séoul de ''chien effrayé qui aboie'' date du mois de mars –, elle officie dans l’ombre de son grand frère depuis longtemps. Née de la même mère, une ancienne danseuse d’origine japonaise, qui serait la troisième épouse de Kim Jong-il, elle est polyglotte, après avoir grandi à Berne (Suisse) avec la fratrie, et diplômée en informatique à l’université Kim-Il-sung de Pyongyang. On la remarque déjà à l’enterrement de son père, en 2011, lors de sa première apparition publique, frêle silhouette vêtue traditionnellement de noir et de blanc.
C’est à cette date qu’elle est nommée par Kim Jong-un au département de la communication étatique, avant de monter en grade trois ans plus tard comme vice-directrice du département d’agitation et de propagande du régime. Visites d’écoles et de foyers modestes, mise en scène des rencontres avec le basketteur américain Dennis Rodman : la jeune femme réussit à lui façonner une image de leader ''bienveillant''. ''Elle serait terre à terre et assez agréable, détaille Michael Madden, expert au site North Korea Leadership Watch. Mais je suis sûr qu’elle est capable d’être une bonne concurrente dans les combats mortels de gladiateurs qui animent les coulisses de Pyongyang.''
Menace militaire à la frontière
Avec sa promotion au puissant bureau politique du Parti en 2017, la représentation de son frère aux Jeux olympiques en Corée du Sud l’année suivante, elle poursuit son ascension. Kim Yo-jong accompagnera même le chef suprême aux deux sommets avec le président américain, à Singapour en 2018 puis à Hanoï l’an dernier. On la verra alors apporter un cendrier à son frère descendu fumer sur le quai de la gare, lors du périple ferroviaire de soixante heures le conduisant au Vietnam. Un geste tout sauf anodin, le dictateur ne laissant des traces de son ADN nulle part...
''Bien que le pays soit de tradition confucéenne, une femme peut y occuper une haute fonction, assure Juliette Morillot. Mais il faut se garder d’imaginer que, parce qu’elle est une femme, le royaume serait plus doux et plus ouvert.'' Pour preuve, Pyongyang a menacé mercredi de renforcer sa présence militaire aux abords de la zone démilitarisée. Avec, à la manœuvre, l’intraitable héritière.