Sans surprise, Henri Konan Bédié, 86 ans, a « accepté » d’être candidat à l’investiture du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) pour la présidentielle d’octobre. Une décision officialisée ce samedi à Abidjan.
Une cérémonie millimétrée, des participants triés sur le volet du fait de la pandémie de coronavirus, trois interventions brèves, et le faux suspense entretenu ces derniers mois a pris fin. C’est Ghislain Lahoré Tchel Bi, présenté comme le plus jeune des délégués départementaux du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui a ouvert le bal, ce samedi 20 juin.
« Monsieur le président, les membres du secrétariat exécutif, les vice-présidents du parti, les délégués départementaux et communaux, les responsables des structures spécialisées vous demandent, avec insistance, de faire acte de candidature à la convention de désignation du candidat du PDCI-RDA à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 », a-t-il déclaré sous les applaudissements de la quarantaine de personnes présentes au domicile d’Henri Konan Bédié.
Allégeance de la jeune génération
Initialement prévues mi-juin, les « conventions éclatées » devant permettre à l’ancien parti unique de se choisir un candidat à la magistrature suprême doivent se tenir les 24 et 25 juillet prochain. Sauf coup de théâtre, Henri Konan Bédié sera le seul candidat à l’investiture, puisque dans la foulée de la déclaration de Ghislain Lahoré Tchel Bi, la jeune génération lui a fait allégeance.
« Je retire ma candidature et je demande à tous les jeunes de s’aligner derrière vous, pour mener le combat et vous apporter la victoire, a ainsi affirmé l’ancien ministre Jean-Louis Billon, dont le nom circulait parmi les présidentiables. » « Nous sommes des militants unis, loyaux et nous allons jouer la force et la discipline du parti. Soyez assurés de mon indéfectible attachement à votre victoire », a-t-il ajouté en présence d’un autre ancien ministre, Thierry Tanoh, rentré récemment de Paris et dont le nom avait également été avancé comme candidat potentiel.
En réponse, l’ancien président (1993-1999) a accepté de faire « don de [sa] personne ». « Je reçois cette demande de candidature comme une mission de salut public découlant d’une attente forte de la base, m’imposant ainsi l’obligation “d’être candidat” lors de cette convention », a-t-il lancé, installé entre son épouse, Henriette, et son fidèle numéro deux, Maurice Kakou Guikahué, secrétaire général exécutif du PDCI.
Le PDCI resserre les rangs
Le « Sphinx de Daoukro », renversé par un coup d’État militaire en décembre 1999, a donc désormais le champ libre pour se relancer dans la course. La dernière fois, en octobre 2010, il était arrivé en troisième position à l’issue du premier tour derrière Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Quoique convaincu qu’on lui avait volé sa place au second tour, il avait finalement soutenu ce dernier face au président sortant. En 2015, en dépit de vives protestations en interne, Bédié avait annoncé que le PDCI ne présenterait pas de candidat et ralliait la candidature d’Alassane Ouattara.
« LE PDCI QUI A RÉGNÉ SUR CE PAYS DURANT PLUS DE 30 ANS, NE PEUT-IL PAS PRODUIRE UN CANDIDAT PLUS ADAPTÉ AU 21ÈME SIÈCLE ? »
Cette fois encore, les dents ont grincé plusieurs mois durant. En coulisses, plusieurs cadres du parti disaient souhaiter un changement générationnel. Le parti a bien enregistré plusieurs départs de cadres qui ont rejoint le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir), mais rares sont ceux qui se sont hasardé à contester publiquement l’autorité de l’ancien président, et le PDCI a donc resserré les rangs autour de lui.
Cette annonce n’a pas surpris les adversaires d’Henri Konan Bédié. « Le PDCI qui a régné sur ce pays durant plus de 30 ans, ne peut-il pas produire un candidat plus adapté au 21ème siècle ? » a fait mine de s’interroger Isaac Bakayoko, un cadre proche du RHDP, dont le propre candidat – le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly – reçoit des soins en France depuis la mi-mai.
Et de conclure : « Discipline ? Fuite en avant des nouvelles générations ? Égoïsme de la vieille garde, qui ne veut pas partir, au risque de tuer le PDCI à jamais ? En tout cas, le RHDP se lèche les babines, car je ne vois pas comment Bedié pourra faire campagne à ce grand âge. »