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La Chine se rêve en leader mondial du nucléaire
Un proverbe chinois proclame : «Ne craignez pas d’être lents, craignez seulement d’être à l’arrêt.» Le programme nucléaire de la Chine, lui, semble n’être ni l’un ni l’autre. En dépit du ralentissement économique mondial et d’une demande énergétique en baisse, conséquences de la pandémie actuelle de coronavirus, Pékin n’envisage pas de brider ses ambitions nucléaires. Selon des informations du quotidien officiel China Daily, l’Association chinoise d’énergie nucléaire vient d’annoncer la construction de 6 à 8 réacteurs par an d’ici 2025, soit un rythme deux fois plus rapide qu’aujourd’hui.

L'Association chinoise d’énergie nucléaire prévoit la construction de 30 à 40 réacteurs d'ici à 2025. Une ambition menacée par les tensions diplomatiques au cœur desquelles se trouve actuellement le pays.

Un proverbe chinois proclame : «Ne craignez pas d’être lents, craignez seulement d’être à l’arrêt.» Le programme nucléaire de la Chine, lui, semble n’être ni l’un ni l’autre. En dépit du ralentissement économique mondial et d’une demande énergétique en baisse, conséquences de la pandémie actuelle de coronavirus, Pékin n’envisage pas de brider ses ambitions nucléaires. Selon des informations du quotidien officiel China Daily, l’Association chinoise d’énergie nucléaire vient d’annoncer la construction de 6 à 8 réacteurs par an d’ici 2025, soit un rythme deux fois plus rapide qu’aujourd’hui.

Autrefois mauvaise élève en matière environnementale, la Chine aspire désormais à se hisser parmi les précurseurs de la transition énergétique. Le pays s’est engagé sur la voie du nucléaire comme sur un dernier terrain à conquérir, répondant à la fois aux pressions de la communauté internationale sur sa dépendance aux énergies fossiles et à une demande d’énergie industrielle et résidentielle interne toujours plus importante.

Nucléaire contre «Airpocalypse»

Las du nuage de pollution constant sous lequel convulsent ses villes, la Chine se targue depuis plusieurs années de ses efforts de «verdissement» de son économie. Le gouvernement chinois a en effet amorcé un lent renoncement à l’industrie du charbon, qui représente toutefois encore 64% de la production d’électricité (contre moins de 5% pour le nucléaire). A l’instar de la France, Pékin a alors fait le pari du nucléaire comme levier d’un approvisionnement énergétique décarboné, et a employé les grands moyens : le pays a connu la progression la plus rapide en matière nucléaire, multipliant par dix le nombre de ses centrales depuis l’an 2000.

Forte de la mise en marche réussie du réacteur de Taishan en 2019, et de ses 47 autres réacteurs actuellement en opération, la Chine entend troquer sa place de premier émetteur de gaz à effet de serre contre celle du premier producteur mondial d’énergie nucléaire. Or, à l’issue de son treizième plan quinquennal (2016-2020), l’objectif d’une capacité nucléaire de 58 GW n’a pas été atteint. Face à cet échec, Pékin semble déterminé à accélérer la cadence.

«La production de 6 à 8 réacteurs par an est tout à fait envisageable. La France avait d’ailleurs eu une dynamique similaire dans les années 80», explique Dominique Grenèche, expert en énergie nucléaire et professeur à Sciences-Po. Selon lui, la décision annoncée par l’Association chinoise d’énergie nucléaire s’inscrit dans une volonté durable de développement de l’atome, et marque le caractère «incontournable» du nucléaire en Chine.

Apprendre de l’Occident

Faire comme la France, mais en mieux. C’est ce que Pékin ambitionne, après avoir tiré des leçons de l’expérience française qui accumule retards et surcoûts pour construire ses réacteurs. Et si la catastrophe sur le site japonais de Fukushima, en 2011, avait paralysé les projets nucléaires, avec l’instauration d’un moratoire de quatre ans, elle a surtout permis à la Chine d’observer attentivement l’état de l’art dans la filière.

En contraste avec les nombreux pays qui affichent un objectif de sortie progressive du nucléaire (la France vise à réduire de 75% à 50% sa dépendance du nucléaire à l’horizon 2035) la Chine entend à l’inverse renforcer sa filière atomique. Et peut, pour cela, s’appuyer sur deux atouts, selon Dominique Grenèche : «l’efficacité sur le chantier» et le fait que «les Chinois sont moins tatillons que les Français sur les régulations de sûreté».

Côté financier, la production en série de réacteurs permettra de réaliser des économies d’échelle, allégeant le coût global pour le gouvernement. Ce gain de capacité nucléaire permettra d’abord de satisfaire la demande industrielle croissante. Celle-ci devrait s’accentuer avec le projet des «nouvelles routes de la soie» entrepris par la Chine depuis 2013.

Bond en avant technologique

Pour mener à bien sa mission, la Chine mise sur son réacteur phare : le Hualong-1. Version hybride et sinisée d’un réacteur américain et de l’EPR français, Hualong-1 est un produit entièrement estampillé made in China. «Il s’agit du même type de réacteur – à eau pressurisée – et du même modèle que l’AP1000 de Westinghouse [entreprise américaine spécialisée dans le nucléaire, ndlr], sauf que les composantes sont conçues en Chine», précise le professeur Grenèche.

Aujourd’hui, le Hualong-1 est même en passe de concurrencer l’EPR français. Avec plusieurs contrats déjà signés avec le Pakistan et la Grande-Bretagne, il s’impose au-delà du territoire national. Et devient un véritable fer de lance du rayonnement technologique chinois.

Cet élan risque cependant d’être perturbé par le climat diplomatique actuel. La répression menée par la Chine à Hongkong d’une part, et l’affaire Huawei d’autre part, ont envenimé un peu plus les relations de la Chine avec ses partenaires traditionnels en matière nucléaire. Les sanctions américaines menacent notamment les projets qui impliquent la compagnie Westinghouse dans le pays. «Sauf un tournant majeur dans la politique actuelle, on s’attend à un arrêt des activités de Westinghouse en Chine», craint Dominique Grenèche. Côté britannique, les tensions autour de l’affaire Huawei et de l’accueil des exilés hongkongais font planer le doute quant à la poursuite de la coopération avec le Hualong One sur le site nucléaire de Bradwell.

La principale bénéficiaire de ce changement de paradigme semble être la Russie, qui domine le marché international du nucléaire avec son réacteur VVER. La coopération sino-russe, déjà en cours dans le secteur d’enrichissement de l’uranium et sur quatre réacteurs construits par Rosatom, pourrait encore se renforcer.

Le cap désormais fixé, l’heure est à la réflexion détaillée pour Pékin. Notamment sur les modalités de stockage des déchets nucléaires, lesquels se multiplieront avec l’augmentation des réacteurs, et qui nécessitent des dispositifs adaptés.

Source: Libération