Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié semblent incontournables dans l'arène politique ivoirienne. Du moins pour leurs partisans. Le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo, a appelé mercredi 22 juillet celui-ci à se porter candidat à l'élection présidentielle d'octobre 2020.
On ne sait pas dans l'immédiat si Laurent Gbagbo, acquitté l'an dernier par la Cour pénale internationale (CPI) à l'issue de son procès pour crimes contre l'humanité et qui réside en Belgique, va suivre la recommandation du FPI et retourner en Côte d'Ivoire. La procureure de la CPI Fatou Bensouda a par ailleurs fait appel de la décision d'acquittement.
Le bal des ''hommes providentiels''
L'appel lancé à Laurent Gbagbo est le dernier en date pour un ancien président ou un président sortant dans le cadre des candidatures au prochain scrutin présidentiel. ''Le seul choix qui vaille, c'est que le président Ouattara reprenne le flambeau'', a déclaré le 19 juillet 2020 sur la chaîne francophone TV5 le directeur exécutif du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) et ancien ministre, Adama Bictogo.
En mars 2020, Alassane Ouattara, qui termine à 76 ans son deuxième mandat, avait déclaré vouloir ''laisser la place aux jeunes'' lors du prochain scrutin présidentiel du 31 octobre. Il avait ainsi intronisé son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly comme candidat du parti au pouvoir. Mais la mort inattendue de ce dernier à 61 ans d'un infarctus, le 8 juillet, a bouleversé ce scénario qui apparaissait bien huilé, le RHDP devant désormais se trouver un nouveau candidat, à trois mois du scrutin.
A peine les funérailles du Premier ministre achevées, deux dirigeants du RHDP ont pris position publiquement en faveur d'une candidature d'Alassane Ouattara pour un troisième mandat. Le chef de l'Etat ivoirien a lui-même fait, mi-juillet, une ''confidence'' au journal Jeune Afrique, indiquant devoir se présenter ''pour préserver la stabilité du pays''.
Le Parti Démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) est également en passe de plébisciter son leader, l'ancien président Henri Konan Bédié, renversé par un coup d'Etat en 1999. A 86 ans, il est le candidat unique à l'investiture de son parti. Lors de sa désignation le 20 juin, il a déclaré répondre à un ''appel'' des responsables du parti, lu par le plus jeune des délégués, lui demandant ''avec insistance'', ''de faire acte de candidature à la convention de désignation du candidat''.
L'un des principaux responsables du parti, Jean-Louis Billon, un homme d'affaires à la tête d'une des plus grosses sociétés privées du pays, qui était présenté comme un candidat possible, avait auparavant annoncé son retrait en faveur de l'ancien président. ''Moi-même ayant des ambitions, aujourd'hui devant la demande qui vous est faite, sachant que vous allez répondre de manière positive, je retire ma candidature'', avait-il alors affirmé. Le PDCI désignera son candidat à la présidentielle lors d'une ''convention éclatée'' qui doit s'ouvrir le samedi 25 juillet.
Une tension politique déjà perceptible
L'ancien Premier ministre et ex-chef rebelle Guillaume Soro en exil, proche de l'un des membres du trio Bédié-Gbagbo-Ouattara à un moment donné de sa carrière politique, a été le premier à déclarer sa candidature à la magistrature suprême. L'ancien Premier ministre Pascal Affi NGuessan, du Front populaire ivoirien (FPI, opposition), a lui aussi fait part de ses ambitions présidentielles. Marcel Amon-Tanoh, ex-allié de l'actuel président Alassane Ouattara et ancien ministre des Affaires étrangères, a annoncé, lui, le 22 juillet son intention de briguer un mandat présidentiel.
Le scrutin du 31 octobre est perçu comme un test pour la stabilité de la Côte d'Ivoire où le climat politique se tend de plus en plus à l'approche de l'échéance électorale. Et ce, dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts.
Les principaux partis d'opposition ont ainsi demandé le 23 juillet au gouvernement la reprise de la réforme de la Commission électorale indépendante (CEI), dont ils contestent l'impartialité, avant octobre, à la suite d'un arrêt de la Cour africaine de justice qu'ils ont saisie.
''L'opposition ivoirienne exige que le gouvernement (...) reprenne la réforme de la CEI, telle que préconisée par l'arrêt rendu le 15 juillet 2020 par la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples'', déclarent dans un communiqué commun les principaux mouvements d'opposition, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) et le Front populaire ivoirien (FPI), ainsi que d'autres mouvements.
La Cour africaine des droits de l'Homme (CADH), saisie par l'opposition ivoirienne, a jugé il y a quelques jours que les commissions électorales locales en Côte d'Ivoire (qui dépendent de la CEI nationale) étaient déséquilibrées en faveur du parti au pouvoir, qui en préside une large majorité. Le gouvernement ivoirien estime, pour sa part, que la CADH a jugé que la CEI était équilibrée et indépendante.
L'opposition ivoirienne, ''dans sa grande majorité'' , juge également qu'un éventuel troisième mandat du président Alassane Ouattara, violerait la Constitution, selon le communiqué. Un débat sur la possibilité de se représenter pour le président Ouattara, au pouvoir depuis 2011 et qui termine son deuxième mandat, oppose le pouvoir et l'opposition depuis l'adoption d'une nouvelle Constitution en 2016. Cette dernière lui permettrait en principe de briguer un troisième mandat, mais le premier au regard du nouveau texte. La date limite de dépôt des candidatures pour la présidentielle a été fixée au 31 juillet.