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A Hongkong, la liberté d'expression assassinée
L'application TikTok a annoncé son retrait du territoire, alors que la nouvelle loi sur la sécurité nationale s'attaque aux livres, aux programmes scolaires et à Internet et donne des pouvoirs très élargis à la police.

«Pour le moment, nous ne répondons plus aux interviews. Nous étudions l’impact de la nouvelle loi de sécurité nationale, et, pour être francs, notre exposition à ses effets. Désormais, nous communiquerons par la messagerie Signal.» L’auteur de ce message, envoyé ce mardi sur WhatsApp, est membre du Groupe des avocats progressistes, un collectif de juristes «dévoués à promouvoir l’état de droit, la démocratie, les droits de l’homme, la liberté et la justice». Des mots qui, en l’espace de quelques jours, font désormais peur à Hongkong.

Depuis la loi liberticide imposée par Pékin le 30 juin, une chape de plomb est tombée sur l’archipel, qui jouissait depuis sa rétrocession par le Royaume-Uni à la Chine en 1997 de droits inconnus dans le reste du pays. Lundi, les bibliothèques ont retiré de leurs rayons des livres considérés comme subversifs, comme ceux de Joshua Wong, jeune figure de la lutte démocratique. Puis, le gouvernement local a annoncé que les programmes scolaires seraient expurgés de tout ce qu’il considère comme franchissant la «ligne rouge». Or le champ d’application de la nouvelle loi, aussi vaste que flou, vise à «réprimer la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères». Un simple autocollant évoquant la résistance et la liberté suffit désormais à se faire arrêter et soupçonner de «subversion contre le pouvoir d’Etat», un chef d’accusation passible de la prison à vie.

Retrait de TikTok

Lundi soir, un document d’une centaine de pages rendu public par les autorités a fait monter d’un cran la tension sur l’archipel, et ce alors que la liberté d’expression est théoriquement protégée jusqu’à 2047 en vertu de l’accord «Un pays, deux systèmes». Les autorités peuvent désormais intercepter les communications, supprimer d’Internet toute information qu’elles estiment contraire à la nouvelle loi, et saisir le matériel des entreprises travaillant dans la place financière internationale. Les sociétés ont l’obligation de fournir les données d’identification des utilisateurs et de décrypter les codes. Celles qui refusent seront mises à l’amende et leurs dirigeants pourront être condamnés à un an de prison.

Les géants américains Facebook, Google, Twitter et Telegram, tous interdits en Chine continentale depuis plusieurs années, ont aussitôt annoncé qu’ils ne répondraient plus jusqu’à nouvel ordre aux demandes d’information émanant des autorités de Hongkong. De son côté, l’application de vidéos TikTok, qui comptait en avril 2 milliards de téléchargements dans le monde, a prudemment annoncé son retrait définitif sur le territoire «à la lumière des événements récents» – sans plus de détails. Déjà bannie d’Inde le 1er juillet, et menacée d’interdiction aux Etats-Unis, l’entreprise, qui appartient au groupe chinois Bytedance, se trouve prise en sandwich entre sa volonté de se développer à l’international en respectant la liberté d’expression et les injonctions d’obéir aux ordres du Parti communiste. Sa déclinaison chinoise Douyin reste néanmoins accessible.

Casse-tête

Alors qu’un tiers des 7,5 millions d’habitants étaient descendus dans la rue à multiples reprises l’an dernier pour défendre leurs droits, le territoire bascule d’heure en heure dans un régime autoritaire. Des milliers d’internautes ont effacé messages et conversations sur les réseaux sociaux, voire supprimé leurs comptes. Il faut dire que la police a désormais le droit de perquisitionner, sans contrôle judiciaire, sur simple suspicion de contravention à la loi sur la sécurité nationale. Le texte donne aussi aux services de renseignement chinois l’autorisation d’agir, en secret et en toute impunité, sur le territoire. Toute personne accusée d’un crime relevant de la nouvelle loi, y compris les étrangers de passage dans le centre financier international, peut désormais être réveillée à 3 heures du matin par la police secrète, et se retrouver emprisonnée en Chine continentale, détenue au secret, sans accès à un avocat, et jugée lors d’un procès express. Sachant que dans le système chinois, le taux de condamnation des prévenus est supérieur à 99%.

Quelques mois après la victoire écrasante des prodémocrates aux élections locales de Hongkong, l’exercice même de la démocratie va devenir un casse-tête. La liberté de la presse et la protection des sources pourraient être menacées, et l’autocensure pourrait devenir la norme face à une «ligne rouge» aussi mal définie. Et le salut des prodémocrates ne viendra pas du gouvernement local, plus inféodé que jamais au pouvoir central communiste : «Le gouvernement hongkongais va appliquer vigoureusement la loi», a assuré mardi Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif.

Source: Libération