Joe Biden plaide « l’erreur » et assure vouloir collaborer. Depuis que deux lots de documents confidentiels datant de sa vice-présidence sous Obama ont été découverts au sein de son institut et à son domicile, le président des États-Unis est dans l’embarras. Si les fichiers ont été laissés là par inadvertance selon lui, l’assurance de sa bonne volonté ne l’empêchera pas de tomber sous le coup d’une enquête.
Jeudi 12 janvier, le ministre américain de la Justice, Merrick Garland, a nommé un procureur indépendant, Robert Hur, pour enquêter sur ces documents classifiés, dont on ignore encore le contenu exact. Trois jours auparavant, la Maison Blanche reconnaissait qu’un premier lot de documents avait été découvert en novembre au Penn Biden Center, au cœur de Washington. Le lendemain, elle dévoilait que d’autres notes confidentielles avaient été trouvées dans la maison du président dans le Delaware.
Or ces manquements tombent sous le coup de la loi. Le Federal Records Act oblige les présidents américains et leurs collaborateurs à transmettre l’ensemble de leurs e-mails, lettres et documents de travail aux Archives nationales. Si Joe Biden assure avoir gardé les documents par inadvertance et qu’ils ont tous bien été restitués, il n’est pas à l’abri de poursuites judiciaires. Que risque donc le président des États-Unis ?
De grandes différences avec le précédent Trump
Joint par Le HuffPost, Dominique Simonnet, journaliste et écrivain spécialiste des États-Unis, juge le risque de poursuites « relativement faible » pour le moment. Notamment car le président et ses équipes sont enclins à collaborer avec la justice, à la différence d’un certain Donald Trump, lui aussi sous le coup d’une enquête spéciale. À la suite d’une perquisition du FBI, des milliers de documents confidentiels −dont une centaine classée secret-défense− ont été découverts en août dans sa résidence de Mar-a-Lago en Floride.
Dans ce cas précis, « ce sont les Archives nationales qui avaient été mobilisées et qui ont demandé à Donald Trump de restituer ces documents, qu’il a ensuite refusé de communiquer », expose Dominique Simonnet. Des faits d’autant plus graves qu’il est suspecté d’avoir tenté de se débarrasser de certains d’entre eux en les jetant dans la cuvette des toilettes.
« Dans le cas de Biden, c’est l’inverse », poursuit l’auteur (D)es grands jours qui ont changé l’Amérique (Éditions Perrin et Pocket). Les équipes du président ont transmis les documents classifiés deux jours après les avoir trouvés. Pour le spécialiste, il y a donc eu « une démarche volontaire des avocats (de Joe Biden) de transmettre les documents et de satisfaire la loi ». Ils ont d’ailleurs encouragé la poursuite des recherches qui ont mené à la découverte du second lot de fichiers, le 20 décembre.
Outre-Atlantique, le Code des États-Unis (qui définit la loi fédérale) prévoit des sanctions pour toute personne qui « cache illégalement et volontairement, déplace, mutile, efface, falsifie ou détruit » des documents officiels. Elles peuvent aller jusqu’à « une peine de prison de maximum trois ans » et une peine d’inéligibilité. En l’occurrence, ni le président Biden, ni l’ancien président Trump ne font encore l’objet de poursuites judiciaires pour ces faits. Des cas extrêmes, qui restent « difficilement envisageables » pour Dominique Simonnet.
Un dossier politiquement explosif
De plus, « le niveau de classification des documents découverts détermine le niveau de gravité », explique-t-il. Or, ceux découverts chez Joe Biden, qui concerneraient a priori l’Ukraine (avant la guerre) et l’Iran selon les médias américains, « ne relèvent pas d’un très haut niveau de confidentialité ». « Qui plus est Biden a quitté l’administration Obama dans une extrême précipitation, estime Dominique Simonnet. L’oubli de ces documents peut relever de la négligence. C’est ce que devra établir le procureur spécial. »
Le président des États-Unis encourt donc peu de risques judiciaires, mais le dossier est politiquement explosif. Du pain béni, pour les Républicains, qui n’hésitent pas à rappeler que Biden avait théâtralement jugé « inacceptable » la rétention de documents classifiés par Donald Trump dans l’émission 60 Minutes.
Certains pointent d’ailleurs du doigt le fait que la Maison Blanche ait attendu le mois de janvier pour révéler la découverte de ces documents, dont une partie a pourtant été trouvée quelques jours avant les élections de mi-mandat.
De là à influencer le résultat du scrutin ? « Il faut noter que l’électorat a globalement rejeté l’extrémisme. Mais dans ce contexte si tendu aux États-Unis, avec toutes ces rumeurs et ces fake news, l’information que Joe Biden puisse avoir des dossiers secrets cachés n’aurait effectivement pas été bonne pour la campagne », juge Dominique Simonnet. Une chose est sûre, à deux ans des prochaines élections présidentielles, c’est une affaire dont les Démocrates se seraient bien passés.