Les électeurs maliens ont approuvé à une très large majorité de 97 % des amendements constitutionnels soumis aux urnes par la junte militaire au pouvoir, a déclaré vendredi la commission électorale malienne. Cette adoption ouvre la voie à des élections en février 2024.
Le résultat est sans appel. Les Maliens ont approuvé avec 97 % des voix le projet de nouvelle Constitution, un plébiscite en faveur des militaires au pouvoir depuis 2020 dans un pays confronté au jihadisme et à une profonde crise multidimensionnelle.
Le taux de participation s'élève à 39,40 %, a annoncé l'autorité électorale, qui a proclamé ces résultats provisoires vendredi 23 juin lors d'une cérémonie au Centre international de conférences de Bamako.
La participation est traditionnellement faible au Mali mais le vote, qui a eu lieu dimanche dernier, a aussi été entravé dans de nombreuses localités du centre et du nord du pays, soit par la crainte des attaques jihadistes, soit par des désaccords politiques.
Le scrutin a été émaillé d'incidents et d'irrégularités, selon des observateurs et opposants à la réforme.
Les détracteurs du projet le décrivent comme taillé sur mesure pour un maintien des colonels au pouvoir au-delà de la présidentielle prévue en février 2024, malgré leur engagement initial à rétrocéder la place aux civils après les élections.
Elle renforce les pouvoirs du président, fait la part belle aux forces armées et met en exergue la ''souveraineté'', mantra de la junte depuis son avènement puis la rupture avec l'ancienne puissance dominante française et le pivotement vers la Russie.
Le référendum constitue une importante étape sur le chemin censé aboutir en mars 2024 à un retour des civils à la tête du pays.
C'était le premier scrutin depuis que les militaires ont pris le pouvoir par la force en août 2020 et qu'ils exercent depuis quasiment sans partage.
Le référendum, matérialisant un calendrier de réformes et de consultations prévues jusqu'à la présidentielle, était scruté attentivement pour les indications qu'il pouvait livrer sur le soutien de la population à la junte et à son chef, le réputé populaire colonel Assimi Goïta, ainsi que sur la situation intérieure.
Une opposition hétérogène
Les autorités ont défendu la réforme comme une pierre essentielle de la refondation qu'ils entendent conduire de l'État malien.
La nouvelle Constitution est censée remédier aux insuffisances de celle de 1992, volontiers désignée comme un facteur de la faillite de l'État face à la multitude des défis : propagation jihadiste, pauvreté, ruine des infrastructures ou délabrement de l'école.
Le référendum a coïncidé avec un autre acte de rupture de la part de la junte : la demande de retrait la semaine dernière des plus de 11 000 Casques bleus et près de 1 600 policiers de la mission de l'ONU déployée dans le pays depuis 2013.
La réforme de la Constitution prévoit l'amnistie pour les auteurs de coups d'État antérieurs à sa promulgation, et alimente les spéculations persistantes sur une éventuelle candidature du colonel Goïta à la présidentielle.
Elle a cristallisé une opposition hétérogène, qui a réussi à se faire entendre.
Les groupes armés du Nord qui ont combattu l'État central avant de signer avec lui un fragile accord de paix en 2015, et qui exercent un large contrôle dans le Nord, ont empêché la tenue du vote sur un texte dans lequel ils disent ne pas retrouver l'accord de 2015.
Ils ont dénoncé des bourrages d'urnes dans les localités du Nord où le vote a eu lieu.
D'influentes organisations religieuses se sont liguées contre le maintien du principe de laïcité de l'État dans la Constitution.
L'une des figures de cette mobilisation, l'imam Mahmoud Dicko, s'est livré lors d'un meeting pour le non à une violente diatribe contre le texte et la junte.
D'abord soutien de la junte avant d'en devenir un ardent détracteur, il s'est vu confisquer son passeport jeudi à l'aéroport de Bamako alors qu'il rentrait de Mauritanie, selon son entourage.