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Publié Le 13 janvier, 2022 3:55 pm
Francis Ngannou lors de son combat contre Jairzinho Rozenstruik en mai 2020

L’histoire de Francis Ngannou tisse le fil d’un scénario d’un film. Un destin dingue qui a mené ce colosse de trente-cinq ans à devenir The Baddest Man on the Planet (l’homme le plus dangereux de la planète) en remportant en mars dernier la ceinture des poids lourds de l’UFC, principale organisation de MMA.

Il est déjà apparu sur grand écran, dans Fast & Furious 9, et va remettre ça dans le nouveau Jackass. Mais son meilleur rôle a été écrit par lui-même: celui de sa propre vie. L’histoire de Francis Ngannou tisse le fil d’un scénario d’un film. Un destin dingue qui a mené ce colosse de trente-cinq ans à devenir The Baddest Man on the Planet (l’homme le plus dangereux de la planète) en remportant en mars dernier la ceinture des poids lourds de l’UFC, principale organisation de MMA, qu’il va défendre pour la première fois le 22 janvier à Anaheim (Californie) contre le Français Ciryl Gane. Tout commence au Cameroun, dans sa ville natale de Batié, où le futur « Predator » (son surnom) grandit dans la pauvreté et doit partir habiter chez sa tante après le divorce de ses parents alors qu’il a six ans.

A dix ans, manque d’argent oblige, l’enfant doué pour les études – il voulait être architecte ou avocat – mais trop pauvre pour les poursuivre doit travailler dans une mine de sable. Approché par différents gangs, il refuse de les rejoindre pour ne pas suivre les traces de son père, « (s)on héros » mais un bagarreur de rue à la notoriété toxique aujourd’hui disparu. « Quand j’entendais parler de mon père, j’avais tellement honte que j’avais juste envie de quitter la pièce. Je me suis promis de ne pas avoir sa réputation et c’est ce qui m’a permis de m’éloigner de la violence. Mais j’aime combattre et j’ai la force comme mon père. J’ai cet instinct de combattant depuis tout petit. J’étais très agité. »

Fan de Mike Tyson, qu’il rencontrera de nombreuses années plus tard pour participer à son podcast, le jeune Ngannou à la puissance déjà fracassante rêve de boxe. Il débute le noble art à vingt-deux ans mais doit vite arrêter, en raison d’une maladie, pour enchaîner les petits boulots. Mais son rêve pugilistique n’est pas mort et le pousse à tenter de rejoindre l’Europe en 2012. Du Cameroun à Paris, le migrant va vivre plus d’une année de galères. Au Maroc, où il cherche à trouver un passeur, il dort plusieurs mois dans une forêt avec un plastique pour couverture. Il porte les mêmes affaires sales, encore et encore. Plusieurs fois, il tente de franchir la Méditerranée. L’opération échoue, encore et encore.

Il en gardera une blessure au doigt qui le fera très longtemps souffrir, conséquence d’un caillou herutéé sur la plage alors qu’il embarquait pour une traversée. Il finira surtout deux mois en cellule à Tarifa, pointe sud de l’Espagne, pour passage illégal de la frontière. Mais à force de persévérance, Ngannou atteint son objectif. Direction Paris, où il arrive un dimanche de juin 2013. Le lendemain, le migrant clandestin se met en quête de ce qu’il est venu chercher: une salle de boxe. Il pousse la porte du Kajyn Club, dans le XIe arrondissement, où il rencontre Didier Carmont et lui lance: « Je n’ai pas de papier, pas d’argent, mais je veux être champion du monde! »

Impressionné par le mastodonte, le coach qui sera le premier à lui parler de MMA lui donne cinquante euros qui lui permettent de s’acheter des affaires de sport. Il lui propose surtout de venir s’entraîner. Seul, sans un sou, Ngannou dort dans un parking public souterrain, sur le sol, à côté d’une vieille Range Rover abandonnée qui lui sert d’armoire de fortune. Lors d’une maraude, l’association humanitaire La Chorba le recueille. Il devient bénévole pour elle, chargé de la distribution des repas. Sans jamais se plaindre. Khater Yenbou, directeur de l’association, va ensuite jouer l’intermédiaire pour lui présenter Fernand Lopez, coach et cofondateur du MMA Factory, une salle de sports de combat voisine. Celui qui sera dans le coin adverse le 22 janvier repère vite le potentiel, au point de lui laisser gratuitement l’accès à la salle pour s’entraîner et dormir, et l’oriente vers le MMA. Bingo.

L’ascension va être express, moins rapide que celle du phénomène Ciryl Gane mais très impressionnante, pour ce sanguin qui envoie plusieurs sparring-partners à l’hôpital car incapable de maîtriser sa force folle. Quatre premiers combats dans des soirées de pancrace en France, où le MMA n’est pas encore autorisé en compétition, lancent la machine (avec tout de même une première défaite) entre novembre 2013 et avril 2014. Deux autres sorties victorieuses en Suisse et à Bahreïn finissent de convaincre la puissante UFC de le signer. Pour ses débuts dans l’organisation, en décembre 2015, une Cadillac l’attend à l’aéroport pour le mener dans un hôtel cinq étoiles. La vie de migrant semble déjà loin. Dana White, patron exécutif de l’UFC, aime son histoire et la raconte à qui veut bien l’entendre. La suite est une explosion.

En deux ans, il enchaîne six victoires dont cinq KO et sans jamais dépasser le deuxième round. Sa puissance terrifiante, symbolisée par le KO démentiel infligé à la légende Alistair Overeem, ne fait aucun doute. Elle est même mesurée par l’UFC: cette force de la nature de 1,93 mètre pour près de 120 kilos détient le record du monde de force de frappe. « C’est comme se faire percuter par une Ford Escort lancée à pleine vitesse », s’extasie White. Sa patate d’enfer qui éteint la lumière ne laisse plus de choix à son employeur: il combattra le champion Stipe Miocic pour la ceinture en janvier 2018. Mais l’Américain d’origine croate, plus complet, mieux préparé à tenir la longueur, lui donne une leçon conclue par une victoire sur décision unanime.

Sa sortie suivante, contre Derrick Lewis, ne rassure pas avec un revers similaire au terme d’un des pires combats de l’histoire des lourds de l’UFC. White critique alors un « ego hors de contrôle ». Mais depuis, le monstre s’est réveillé. Ngannou, qui s’est peu à peu éloigné de Fernand Lopez (qui a souligné son manque de reconnaissance et expliqué qu’il avait pris la grosse tête) avant de se séparer définitivement de lui en 2019, signe quatre victoires de rang de novembre 2018 à mai 2020, dont deux anciens champions de la catégorie (Cain Velasquez et Junior Dos Santos), toutes par KO pour un total cumulé de 2’42’’ de combat!

L’heure de la revanche contre Miocic a sonné. Elle le sacre premier champion africain des lourds à l’UFC après un nouveau KO terrifiant, cette fois au deuxième round. Une fierté énorme pour celui qui tient à la force de son histoire d’ancien migrant arrivé au sommet – il a créé une fondation à but non lucratif pour ouvrir des salles de sport pour la jeunesse au Cameroun – et qui répète que plus rien ne lui fait peur après tout ce qu’il a vécu. Il gagne désormais très bien sa vie, revanche appréciée sur le destin, prend la pose avec des stars US et poursuit son rêve américain chez lui, à Las Vegas, où celui qui a tout d’une superstar a commencé à s’entraîner à l’été 2017 avant de rejoindre Xtreme Couture, salle où il évolue toujours.

Mais il rêve aussi de combattre à Bercy, tout près de là où son aventure en MMA (16-3 en carrière dont 11-2 à l’UFC) a commencé. Pour une revanche contre Gane peu importe le vainqueur? S’il s’impose, il aura aussi l’option lucrative d’un choc contre la star Jon Jones, ancien roi des lourds-légers qui veut conquérir la catégorie supérieure. Avant peut-être de s’essayer à son objectif de noble art où il souhaite défier les cadors Deontay Wilder ou Tyson Fury (les deux se sont chauffés dans cette optique ces derniers jours sur les réseaux) avec un chèque XXL au bout. Alors qu’il est en fin de contrat à l’UFC, avec un combat supplémentaire automatique en cas de victoire contre Gane, son avenir est un champ des possibles. Normal. Son passé lui a offert le droit à tous les rêves.

avec rmc sport

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